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officier turc pour commander la garnison ; les cavaliers du makhzen c’est-à-dire des tribus militaires semées habilement sur les grand lignes de communication ; la responsabilité de tous les chefs locaux, une surveillance inquiète ; le châtiment aussi rapide que le soupçon : tel est le régime au moyen duquel l’ancienne régence a pu conserver son empire avec une armée régulière d’environ 15,000 hommes.

Les Turcs ne songeaient qu’à exploiter l’Algérie, au risque de l’épuiser. La France veut l’administrer, et, s’il se peut, l’enrichir, afin d’obtenir un dédommagement aux sacrifices que lui impose sa noble tâche. Cette différence indique nettement ce qui a dû être conservé dans les traditions turques, et ce qui a dû être changé.

L’institution du makhzen a été restreinte : il n’eût pas été prudent de confier exclusivement la sécurité du pays à ces colonies guerrières dont la fidélité peut être subitement ébranlée par un accès de fanatisme. Il n’y a plus de tribus makhzen dans la province de Constantine. On en a conservé trois dans la province d’Oran, trois autres dans la province d’Alger. Ces auxiliaires sont tenus de monter à cheval et de suivre l’armée française à la première réquisition. Toutefois, ne faisant pas un service régulier, ils peuvent se contenter d’une solde de 15 francs par mois et par homme, avec l’espoir d’une ration de campagne en cas de service actif et d’une indemnité de 250 francs par cheval tué.

Le principe de notre politique à l’égard des indigènes est d’intéresser à notre cause les chefs de familles influentes, de les employer à la surveillance de ceux qui sont accoutumés à respecter leur autorité. Ce principe est généralement appliqué dans l’est ; il a dû subir quelques exceptions dans la province d’Oran, où les tribus ont pour chefs des marabouts d’autant plus vénérés qu’ils sont plus intraitables dans leur fanatisme. Il y avait une transition à observer pour accoutumer les indigènes à supporter directement la domination étrangère. Ainsi, dans les territoires arabes, on réserve aux Arabes tous les emplois secondaires, en les enfermant dans les cadres de l’administration française, de manière qu’ils ne soient que des instrumens sous la main des commandans de nos postes militaires.

L’art de gouverner les indigènes par eux-mêmes a été essayé par le maréchal Valée dans la province de Constantine. Cette organisation s’est complétée successivement suivant le progrès de nos armes. Aujourd’hui, la France gouverne les tribus algériennes au moyen d’une centaine d’agens recevant un traitement, parmi lesquels on compte 7 khalifa, 61 agha de diverses classes, 20 kaïd. Ces officiers indigènes sont des espèces de commissaires chargés de transmettre aux tribus et de faire exécuter les ordres de l’autorité française ; ils sont les commandans naturels des musulmans appelés à prendre les armes dans les limites de leur juridiction. Leur fonction les oblige à répartir et à percevoir les impôts, à faire rentrer les amendes, à poursuivre les délits,