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par l’effet d’une circulation plus abondante, deviendra de plus en plus un moyen de domination. Il appauvrira ceux qui nous sont hostiles, il enrichira ceux qui viennent a nous. Déjà plus de 5,000 indigènes sont voués à des industries qui les assujétissent à la patente.

Les Africains domiciliés dans les villes devenues françaises ne sont pas les seuls qui soient liés d’intérêts avec nous. Un grand nombre d’indigènes, sans être fixés dans les centres européens, y séjournent plus ou moins long-temps pour y trafiquer ou pour y gagner des salaires en qualité d’hommes de peine. Ainsi, la population sédentaire des villes se trouve augmentée par une population flottante, composée d’ouvriers groupés en corporations, suivant les affinités de races ou d’industrie.

Il y a en Algérie, comme partout, des territoires ingrats, dont les habitans sont réduits à venir chercher dans les villes des moyens d’existence. Ces émigrans sont en général de grossiers montagnards auxquels semble appartenir le monopole des professions pénibles. Les plus nombreux sont les Kabiles, sortis en général des montagnes qui rayonnent de Setif à Bougie, du Sahara viennent les Biskris, ou habitans de Biskra ; les Laghouats, originaires de la chaîne de Djebel-Amour ; les Mozabites, dont l’oasis marque la limite extrême où s’arrête la domination française, où commence le grand désert. Ces races nomades fournissent aux villes algériennes presque tous les ouvriers de la dernière classe, les portefaix, les manœuvres, les terrassiers ; les maçons, les charbonniers, les baigneurs, les conducteurs d’animaux : le choix de leur résidence, la durée de leur séjour, n’ont d’autre règle que leur intérêt. Les Turcs avaient distribué ces mercenaires en corporations, en attribuant à chacune d’elles le privilège d’un ou plusieurs métiers. Cette organisation a été réformée en ce qui portait atteinte au principe de la liberté industrielle ; mais on a conservé, en les fortifiant, les mesures disciplinaires. On compte aujourd’hui sept corporations disséminées par petits groupes dans les principales villes de l’Algérie. Depuis sa réorganisation, cette classe d’ouvriers nomades n’a cessé d’accroître en nombre, preuve de l’activité progressive des transactions. En 1838, les corporations d’ouvriers indigènes en résidence temporaire à Alger formaient un effectif moyen de 3,382 membres. Les derniers recensemens constatent, pour toutes les villes de l’Algérie, une moyenne qui flotte entre 25,000 et 27,000 ames. On doit considérer, enfin, que les indigènes des tribus rurales fournissent environ 1,800,000 journées de présence sur les marchés des villes, et que ce mouvement équivaut, pour la prospérité des centres européens, à un accroissement de population d’au moins 6,000 ames.

Les tribus rurales, qu’on a crues long-temps indomptables, se sont inclinées sous une discipline qui est, à nos yeux, la base la plus sûre de notre établissement. On discutait encore, il y a deux ans, sur le chiffre de cette partie de la population. Après des assertions exagérées en sens