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pour la société. Si les illustres et les puissans d’entre nos contemporains ne finissaient pas par comprendre que cette société, envers laquelle ils ont encouru bien des reproches, leur demande aujourd’hui le sacrifice absolu de ces considérations d’intérêt et d’orgueil, ce mouvement politique et religieux, qui semble par sa direction capable de nous conduire vers un monde nouveau d’idées et de sentimens, courrait le risque ou de s’arrêter en si beau chemin, ou d’être pour longtemps retardé. Que si, au contraire, tant d’esprits distingués, écrivains, hommes d’état, philosophes, maîtres en ce moment de l’opinion confiante et prête à les suivre, émus de l’universel désir d’un grand progrès moral, oubliant une bonne fois leur personnalité et leur ambition, consentent à se vouer sans arrière-pensée à l’œuvre de la restauration intellectuelle et morale du pays, il est impossible que cette agitation salutaire des bons esprits ne devienne pas féconde autant que l’agitation des rues a été périlleuse. Qu’ils n’en doutent point d’ailleurs, ils trouveront des cœurs ouverts, ils seront appréciés chez les générations plus jeunes, qui, naissant à la vie politique et à l’ambition au milieu des graves préoccupations de la société nouvelle, seront les soldats intrépides et dévoués de cette grande propagande.

Il faudrait désespérer de ce pays et de la civilisation moderne, si elle n’avait pas la puissance de nous conduire au but que nous cherchons et de nous fournir une idée assez haute pour succéder dans nos esprits à la royauté des vieilles croyances ; mais, en définitive, à la vue de ce travail latent qui se prépare dans le sein de la philosophie et de ces efforts, quoique imparfaits, de la science pour se frayer une route plus populaire et devenir plus forte en devenant plus simple, je m’assure que du moins le péril est compris, et que le pays veut avec sincérité s’affranchir de sa longue et triste indifférence. Nous entrons dès à présent dans une époque de luttes plus sérieuses et plus élevées ; nous laissons de côté les querelles vides et vaines des dernières années pour des préoccupations vraiment philosophiques, et si les hommes, écrivains et législateurs, ne font pas défaut aux circonstances, nous sommes sur le chemin du plus grand des progrès qu’il y ait à accomplir de nos jours la conciliation des divers principes de croyances et l’établissement d’une foi nouvelle sur les ruines du scepticisme religieux et politique.


HIPPOLYTE DESPREZ