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des ruines, mais marchant toujours. Le genre humain, comme l’univers, ne continue de vivre que par la mort ; mais cette mort n’est qu’apparente, puisqu’elle contient le germe d’une vie nouvelle. Les révolutions, considérées de cette manière, ne consternent plus l’ami de l’humanité, parce qu’au-delà de destructions momentanées il aperçoit un renouvellement perpétuel, parce qu’en assistant aux plus déplorables tragédies il connaît l’heureux dénoûment, parce qu’en voyant décliner et tomber une forme de société, il croit fermement que la forme future, quelles que soient les apparences, sera meilleure que toutes les autres. Telle est la consolation, l’espérance, la foi sereine et profonde du philosophe. »


II

Bien que le germe d’une heureuse transformation existe dans la société et dans la science contemporaine, nous sommes loin encore de la maturité du fruit. La philosophie populaire n’est pas trouvée ; M. Cousin ne doit point se faire à cet égard d’illusion. L’église reconnaîtra sans doute aussi que pour une cause ou pour une autre, à tort ou à raison, la vieille théologie, privée de son prestige, n’agit plus ou n’agit pas avec l’autorité qui crée la foi, et cependant la société, désarmée de cette foi, qui est la vraie force morale, se trouve en présence de maux réels, de périls imminens contre lesquels il lui faut dès à présent déployer toutes les énergies du sentiment et de la pensée. Ce n’est pas assez que la philosophie se mette en devoir de devenir populaire par la simplicité de ses allures et de son langage ; ce n’est pas assez que l’église, non encore épuisée de vertus, redouble d’activité et de courage pour conserver ce qui lui reste d’autorité : il faut que la philosophie et l’église résolvent au plus vite, comme question à la fois de circonstance et d’avenir, le problème urgent de la ruine du scepticisme. Les extravagances des novateurs excentriques peuvent disparaître d’elles-mêmes ; le désordre intellectuel, le goût des fausses abstractions, le besoin fiévreux du changement, ne laisseront aucun repos à la société tant que la foi religieuse et la foi politique n’auront pas été rétablies dans leur solennelle autorité.

La société nourrit dans son sein un ennemi redoutable dont le socialisme lui-même n’est que l’effet : c’est, pour l’appeler par son nom, l’esprit révolutionnaire qu’un parti tout entier voudrait donner pour principe générateur à nos institutions ; ce serait, à proprement parler, établir la révolution en permanence, comme si la tempête devait être l’état naturel de la société. On peut approuver, on peut aimer, on peut chérir la révolution qui nous a donné la liberté et l’égalité, et je suis de ceux qui