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facile, cette rêverie contemplative que je rencontre chez Mme Sand. La haine du jésuite et du prêtre, la terreur de l’homme noir, toutes les idées étroites et vulgaires, tout ce sensualisme inintelligent que le XVIIIe siècle nous a légué comme pour nous faire paver l’incomparable bienfait du bon sens et de la liberté, c’est le fond de la religion de M. Sue ; et si par hasard l’on tient à connaître sa morale, que l’on prenne des informations au phalanstère, dont il est le plus ardent disciple.

Voilà donc, en matière religieuse, à quoi se réduit l’enseignement de l’école nouvelle : l’affranchissement de l’imagination et des passions, le rêve, la satisfaction, le bien-être. Je ne suis pas de ceux qui regrettent le vieil ascétisme chrétien et ses folies stoïques. Je n’aime pas, je l’avoue, que l’on me représente le fardeau du travail comme une condamnation surnaturelle, car je le porte avec orgueil, comme l’honneur de l’homme, et je suis peu disposé à subir le joug accablant des traditions mal interprétées, lorsque je crois sentir une émanation de Dieu lui-même dans ma conscience. Néanmoins je préfère, malgré sa rigueur accablante, le despotisme de la vieille église à cette anarchique liberté, que me promet le mysticisme moderne ; je préfère la servitude, la misère et l’ascétisme des premiers cénobites à cette facile et dégradante béatitude que le matérialisme me propose comme un but. L’ascétisme et le servage de la raison peuvent faire quelquefois de hommes, l’histoire du passé en porte le témoignage ; le matérialisme et le mysticisme ne feront jamais que des eunuques, le temps actuel en offre mille preuves vivantes.

La doctrine des écrivains de l’Institut est d’une autre nature. Ils marchent avec plus ou moins d’éclat dans les voies tracées à la pensée par les deux siècles féconds qui ont précédé le nôtre. Naguère ils se tenaient enfermés dans le domaine de la spéculation et de la science. Il semble que leurs récens écrits soient empreints d’un sentiment plus profond et plus ardent de la grande mission morale dont ils se trouvent investis par la fatalité puissante des événemens. Il serait facile peut-être de montrer dans les Petits Traités, pris en général, un certain embarras sur les grandes questions du dogme philosophique et religieux ; mais lorsque M. Cousin, pour point de départ de sa philosophie populaire, prend la Profession de foi du vicaire savoyard, ses intentions ne peuvent être douteuses pour personne. Au moment où le triste spectacle de l’anarchie morale et intellectuelle fait hésiter de bons esprits dans leur foi en l’esprit moderne, il est clair que M. Cousin croit tout autant que jamais à la vertu du rationalisme, et c’est bien le rationalisme qu’il entreprend de répandre dans le peuple. Le rationalisme, à la vérité, rencontre, dès ses premiers pas, tout à l’entrée de cette voie nouvelle, une objection de très grande force. La métaphysique rationnelle est le raffinement