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ne s’en affligeait pas et disait sans affectation : « Une vieille femme comme moi. » Chaque mot de son enfant et toutes ses petites compositions, qu’elle regardait comme des merveilles de génie, la remplissaient d’une joie douce, continue, qui rendait son humeur égale et charmante, quelles que fussent les robes brunes et simples qu’elle portait et l’uniformité excessive de sa vie. Les caprices de sa mère, le radotage presque idiot de son père, ne troublaient pas sa charmante sérénité. Un jour seulement, elle entra dans une colère de reine tragique ; voici à quelle occasion.

Depuis la mort de George Osborne, huit ans s’étaient écoulés. Le vieux Osborne entendit parler de son petit-fils, qui s’appelait aussi George, de la gentillesse, de la grace, des mille qualités charmantes de l’enfant ; il se sentit vaincu par le poids même de sa colère et de sa rancune. Bientôt un avoué vint, de sa part, trouver Amélie et lui proposer de consentir à ce que l’enfant fût élevé par le grand-père : ce dernier lui laisserait sa fortune, paierait une pension à la mère et permettrait à cette dernière de venir quelquefois voir son fils. Pour la première fois Amélie éprouva un mouvement de fureur. « Moi ! vendre mon fils ! s’écria-t-elle. Vous m’insultez, monsieur ; vous m’insultez. Dites à M. Osborne que c’est indigne, oui, indigne. Je ne répondrai pas à cette lettre. »

Elle jeta les morceaux de l’épître au nez de l’avoué, qui s’en alla tout confus ; comment aurait-il compris la fureur de la veuve à laquelle on voulait enlever son trésor ? Elle passa toute la journée à regarder George et à pleurer. Ses parens ne s’apercevaient pas même de sa tristesse ; ils avaient bien autre chose à faire. Des embarras personnels les absorbaient ; ils avaient trouvé moyen de se ruiner une seconde fois au sein de leur misère. Grace aux belles spéculations sur le vin et la houille, la famille n’avait plus de quoi vivre.

Tout était engagé par le vieux Sedley. Les mémoires du modeste ménage, jusqu’alors régulièrement payés chaque semaine, commençaient à rester en arrière. Les remises n’étaient pas venues de l’Inde ; M. Sedley en avertit sa femme d’un air consterné. La pauvre dame avait toujours payé exactement ; aussi deux ou trois des fournisseurs auxquels elle fut contrainte de demander délai se montrèrent-ils récalcitrans, quelque habitués qu’ils fussent aux retards de quelques-unes de leurs pratiques moins régulières. La pension payée par Amélie vint au secours du petit ménage, réduit a la demi-ration. Le boucher revint hargneux, l’épicier insolent ; une fois ou deux George s’étant plaint du dîner, Amélie qui se serait contentée d’un morceau de pain, lui acheta de sa bourse quelques friandises.

À la fin, on lui conta ces sortes d’histoires arrangées et incroyables à l’usage des personnes dans la gêne. Un jour qu’elle venait de toucher