Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/699

Cette page n’a pas encore été corrigée

RÉDEMPTION. 693 ISAAC. Permets, mon enfant; je donne des conseils. La sorcellerie est un métier que k raison et la loi réprouvent également. MADELEINE. Soit. Eh bien!... (levantles yeux sur le bahut) ce sont des têtes de mort, ces deux choses là-haut? ISAAC. Des têtes de mort, deux anciens amis à moi; oui, ma fille. MADELEINE. (Elle SB lève et va voir les têtes de près.) Croiriez- vous que je n’en ai jamais vu? On est comme cela quand on est mort? On n’est pas beau. {Touchant un des crânes.) C’est là dedans qu’est logée la cervelle, n’est-ce pas? ISAAC Oui, oui, la cervelle; le ressort de la montre, ce qui fait que l’on rit et que l’on pleure, que l’on pense et que l’on sent, l’ame immortelle; eh! eh! tu comprends, fillette? J’ai vu dernièrement quelque chose de curieux : c’était un homme» très vivant d’ailleurs, à qui un éclat d’obus avait enlevé un morceau du crâne, à cette place-ci; par le trou, on voyait battre la cervelle : j’y mis la main.... MADELEINE. Fi! l’horreur! ISAAC A chaque pression de ma main sur la matière cérébrale , l’homme devenait idiot. €’était l’ame que je tenais. Eh! eh! tu comprends, petite? l’ame immortelle! MADELEINE. Bref, vous ne croyez pas à l’ame, vous? ISAAC Eh! eh! comment n’y croirais-je pas. Dieu bon! puisque je Tai touchée du doigt. MADELEINE. Vous êtes bien le conseiller qu’il me faut, à présent. (Elle se rassied.) ISAAC Tu as besoin d’un conseil; parle, ma fille; les années m’ont mis en fonds de sagesse... C’est, hélas! ma seule fortune... Si j’étais... hum! si j’étais seulement dans l’aisance, mon plaisir favori serait, il me semble, de donner des conseils gratuits à tout venant, sous l’ombrage d’un chêne. MADELEINE. Vous me connaissez, Zaphara? ISAAC Si je te connais, mignonne! Jeunesse, beauté et talent; éclat de rire sonore et doux comme une cascade en juillet; joie des yeux, tourment des cœurs! Oui, Madeleine, je te connais. MADELEINE. Eh bien! ma vie, toute fêtée et applaudie qu’elle est, m’ennuie. Il me semble que je me suis trompée de chemin, que j’aimerais mieux autour de moi moins d’adoration et plus de^respect. . ISAAC Bon, bon! n’en dis pas davantage. Je connais ton mal. Tu as de l’esprit, et