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RÉDEMPTION. 683 sur leur création. Eh bien! Dieu accomplit ce vœu chaque jour pour ceux qui s’y prêtent avec simplicité; il sème à pleines mains, sous leurs pas, des détails d’un charme poétique et comme surnaturel... Et tenez, madame, au milieu du cadre religieux et mystique qui nous enveloppe, votre attitude pensive contre ce pilier à demi éclairé, et même cet entretien fugitif avec un inconnu, ne vous semblent- ils point des traits empruntés au monde de l’imagination? 11 y a ainsi, en dehors du réel et du banal, qui sont à tout le monde et que l’habitude nous rend d’ail- leurs indifférens, il y a dans la vie mille coins mystérieux dont les sages font leur domaine et leur refuge, et où ils vivent en bénissant Dieu. MADELEINE. Vous me semblez fort jeune, pour un sage. MAURICE. C’est que j’ai été fou de bonne heure. — Voici M. l’abbé Miller que vouscher- <:hez. (L’abbé Miller sort du confessionnal et s’agenouille sur les marches d’une chapelle.) MADELEINE. Il a, n’est-ce pas, la réputation d’un esprit élevé et d’un noble cœur? MAURICE. Et il la mérite. C’est lui qui refusa si énergiquement de suivre Tétrangemode qu’on a partout de fermer les églises le soir. Il sait que, le soir, tout courage est plus- faible et toute passion plus forte. A ces heures de doute et de tentation, quand les tavernes et les théâtres allument leurs péristyles provoquans, ce bon vieillard entr’ouvre la porte de son église et demande, au nom de Dieu, lâcha- nte sur le seuil, à ceux-ci un remords, à ceux-là une prière, à tous une sérieuse pensée. (L’abbé se lève et paraît se disposer à partir.) Mon Dieu ! madame, je suis tout honteux de vous avoir si long-temps importunée... cela est d’un goiit médiocre pour le moins... mais c’est un enchantement si rare que de trouver la bonté unie à la grâce d’une femme! Que Dieu vous rende la douce émotion que j’emporte au fond du cœur, (il la salue et va s’éloigner.) MADELEINE. Un seul mot, monsieur. Ne puis-je savoir...? (Elle hésite et paraît réfléchir; tout à coup, ôtant son gant et offrant de l’eau bénite à Maurice :) Adieu. (Elle s’avance rapi- dement vers l’abbé Miller. Maurice la suit des yeux. Après quelques paroles échangées avec le vieux prêtre, Madeleine disparaît à sa suite dans la profondeur de l’église.) Un petit parloir décoré de quelques tableaux religieux. LE CURÉ, MADELEINE. LE CURÉ, s’asseyant et donnant une chaise à Madeleine. Chauffez-vous, mon enfant, chjauffez-vous. Le froid est bien vif ce soir, n’est-ce pas? Pauvre petite! elle a marché dans la neige; chauffez bien vos pieds. MADELEINE, embarrassée. Monsieur le curé, je vous apporte cinq cents florins pour vos pauvres. LE CURÉ. De quelle part, ma fille ? MADELEINE. De kl mienne.