Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/681

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du jour et simple. La gauche a crié là-dessus vive la république ! et M. Perrée s’est endormi, le soir, en rêvant qu’il couchait dans le lit de M. d’Argout.

L’assemblée de ce pas avait été bien loin, plus loin qu’il n’est dans son tempérament d’aller. Notre constituante ne peut guère prendre toujours son mal en patience, et si le ministère est, par position et par force, régulièrement obligé de lui déplaire, elle ne saurait de bonne foi trouver l’obligation charmante. Il n’est donc pas étonnant qu’elle boude et gronde par accès ; mais jusqu’ici l’on a vu que les accès se dissipaient assez vite, et le patriotisme aidant, peut-être aussi quelque chose d’autre, elle s’est constamment arrêtée à temps avant de rien mettre au pire. Le ministère s’était d’ailleurs ici empressé, pour sa part, de désavouer, de blâmer les expressions offensantes dont M. Perrée voulait le rendre responsable vis-à-vis de l’assemblée ; il avait prouvé qu’il n’était pour rien dans la direction de cette feuille par trop vive, où il n’avait jamais vu qu’une industrie particulière et non point une communication officielle ; il avait de plus énuméré, preuves en main, tous les élémens de trouble dont l’explosion s’apprêtait dans la journée du 29 janvier. Le général Oudinot s’est alors, à son tour, élevé contre M. Perrée en proposant un ordre du jour qui tenait compte des faits et des paroles apportés à la tribune par le ministère, et conciliait tout sans offenser personne. L’esprit de conciliation a vaincu ; 100 voix de majorité ont écarté l’ordre du jour de M. Perrée, pour adopter celui du général Oudinot. M. Perrée ne gouverne point encore la Banque ; il a du moins de quoi se consoler dans le suffrage de M. Marrast, qui a donné sa voix contre le ministère, après avoir vainement essayé d’appeler à son aide la commission de constitution contre le président de la république. Par une nouvelle note insérée au Moniteur, pour faire face à l’orage de M. Perrée, le ministère annonçait que M. le président de la république lui maintiendrait sa confiance ; il ne s’agissait point précisément de braver l’assemblée, il fallait, avant tout et quand même, rassurer le pays contre l’éventualité d’une crise ministérielle en un moment quasi-révolutionnaire. M. Marrast, qui, pour l’instant, joue serré, n’eût pas été fâché de se faire dire par la commission de constitution que le président était lié constitutionnellement avec l’assemblée dans des rapports tels qu’il n’avait plus qu’à baisser la tête devant la dictature de M. Marrast et de M. Perrée. C’était la guerre. La commission n’a pas voulu que M. Marrast brûlât ainsi ses vaisseaux ; elle n’aura probablement pas pu se persuader que cette violence fût naturelle, et elle lui aura résisté dans la conviction qu’un jour ou l’autre il lui saurait gré de sa résistance. À tout péché miséricorde M. Marrast est de ceux dont on ne doit jamais désespérer, parce qu’ils ne renoncent jamais à bien espérer d’eux-mêmes.

L’autre affaire de la quinzaine, c’était cette inextricable proposition de M. Rateau, qui vient enfin d’aboutir à son dernier terme, et qui, métamorphosée, du consentement de l’auteur, par M. Lanjuinais, n’en a pas moins amené la dissolution prochaine de l’assemblée constituante. M. Grévy n’avait pu empêcher la première lecture ; mais la faible majorité qui repoussait son amendement trop radical n’était point une garantie bien sûre que la proposition même échappât à des adversaires plus mitigés, si elle se représentait sans adoucissement à la seconde lecture. Un amendement de M. Lanjuinais l’a transformée de manière à la rendre moins rude pour les susceptibilités d’une assemblée à laquelle, après tout, l’on ne demandait rien moins que son suicide. M. Lanjuinais, au lieu de