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de cette nuance-là, et les oscillations de sa carrière le reportent maintenant assez près de ses origines, qu’il avait de temps en temps négligées. Est ce remords ou désespoir ? nous craignons à présent qu’il ne leur sacrifie trop, et, durant ces dernières épreuves, son attitude a plus été d’un homme de parti que d’un sage. Il s’est donc avisé, lors de la proposition d’enquête, de la renvoyer de son chef dans les bureaux, au lieu de consulter d’abord l’assemblée ; il ne se montrait pas ainsi très scrupuleux observateur du règlement ; mais, étant de la minorité qui avait inutilement voté le même renvoi pour la mise en accusation, il était conséquent avec lui-même en imposant cette fois sa manière de voir à l’assemblée, sans attendre qu’elle l’approuvât. Les bureaux cependant, mal dispos par ce procédé, sentant ce qu’il y avait de regrettable, au milieu des circonstances actuelles, dans l’acharnement avec lequel on incriminait des mesures d’ordre public, les bureaux ne se prêtèrent pas à la machination en jeu aussi docilement que le désiraient les meneurs : la commission qu’ils nommèrent conclut, à 8 voix contre 7, qu’il n’y avait pas lieu à demander l’urgence de l’enquête. La question d’urgence emportait évidemment la question de fond.

M. Woirhaye, dont il faut, en cette occasion, honorer la loyauté, soumit à l’assemblée les conclusions de la commission, qui l’avait choisi pour rapporteur, avec une impartialité que nous souhaitons à tous ses amis les républicains de la veille : certains républicains du lendemain pourraient également profiter de l’exemple ; il nuirait à M. Perrée moins qu’à personne. Le débat ouvert était de savoir s’il y avait urgence à s’enquérir au sein de l’assemblée des causes de l’armement du 29 janvier. M. Perrée est un grand tacticien : l’assemblée n’avait pas l’air de prendre goût à cette façon ingénieuse de diminuer le pouvoir ; M. Perrée lui présenta une autre amorce pour l’entraîner à sa suite. L’enquête était réclamée par des gens qui ne se cachaient pas de dire que, s’il y avait eu complot le 29 janvier, c’était le ministère qui complotait. La république était sortie victorieuse d’un 18 brumaire ; les patriotes avaient eu le génie de ne pas se battre quand on leur offrait la bataille ; restait à punir ceux qui l’avaient traîtreusement offerte. — On parle comme cela sur la montagne. Une assemblée cependant ne donne guère en masse dans ces énormités ; encore faut-il qu’on les lui déguise. M. Perrée, glissant à côté du rapport de M. Woirhaye, qui rejetait purement et simplement l’urgence, est allé déterrer une certaine correspondance politique fabriquée pour la province à Paris, et dont le ministère était l’abonné, sans autre participation à l’entreprise. Sur quoi, comme cette correspondance avait le bon sens de ne point servir la république à la guise de M. Perrée, mais par contre le tort de ne point parler aussi respectueusement que lui de l’assemblée dont il est membre, M. Perrée imputait tous ces méfaits au ministère, comme des signes secrets de la trahison dont il était hautement accusé par les montagnards ; seulement, par une habile pudeur, il consentait à n’appeler cela qu’une mauvaise tendance, en la faisant, il est vrai, déclarer dangereuse pour la république, et, sous le bénéfice de cette insinuation solennelle, il passait à l’ordre du jour. La raison, l’équité, commandaient de passer à l’ordre du jour sans tous ces ambages étrangers à la question. Après les explications du cabinet, après les fermes et honnêtes paroles de M. Chambolle, qui ne se souciait pas d’endosser les œuvres de M. Perrée, il semblait qu’il n’en pût être différemment ; il ne s’en est pas moins trouvé 80 voix pour repousser l’ordre