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comme de la conduite privée des individus : ce sont les petites fautes qui amènent et préparent presque fatalement les grandes ; ce sont les démarches inaperçues, les faiblesses insensibles, les déviations légères mais continues, de la voie droite, qui conduisent enfin aux coups de violence et d’éclat. Personne, ni partis, ni gouvernement, n’arrive jamais, de sang-froid et par plaisir, ni aux coups d’état ni aux révolutions. Les coups d’état et les révolutions naissent d’une série de fautes ; Ils se trouvent au bout d’une fausse ligne politique. Les ordonnances de juillet étaient déjà dans la nomination du ministère Polignac, et le banquet du Château-Rouge contenait la révolution de février. Reste donc, par conséquent, la grande singularité qui, dès les premiers jours, a sauté aux yeux du public, et que les cris d’un parti furieux, n’ont pas empêché un ministre de développer jusqu’au bout, à la tribune, avec une énergie inaccoutumée : comment refuser à un homme la liberté de ses actes pour lui demander compte ensuite de leurs conséquences ?

Telles sont les difficultés, grandes, inattendues, pressantes, qu’ont vues, tout d’un coup se dresser devant eux nos professeurs novices de droit constitutionnel. Une telle force de logique les faisait sortir du texte même des lois, une telle force d’opinion les poussait, la colonne d’air arrivait sur l’assemblée tellement menaçante, qu’elle a pris le parti de céder en baissant la tête. Elle a laissé à sa prochaine héritière, l’assemblée législative, la tâche d’interpréter les clauses obscures de son testament. Fasse le ciel que celle-ci du moins ait quelques heures de loisir pour s’appliquer à dénouer ces épineuses questions de texte ! car cette fois, si par malheur les difficultés se posaient encore avant qu’on eût songé à les résoudre, si quelque malentendu d’amour-propre, si quelque divergence d’opinion partageaient les deux pouvoirs avant que leurs limites fussent fixées, si l’assemblée législative et le président entraient, dès l’abord, en défiance et en conflit, il n’y aurait plus le remède d’une dissolution possible, et nous nous verrions condamnés à rester en panne, pendant quatre ans, entre nos deux pouvoirs élus, comme l’animal des philosophes du moyen-âge mourant de faim entre ses deux bottes de foin. Mais, si nous en croyons la méfiance que l’assemblée prochaine inspire par avance à ce parti qui s’intitule républicain par excellence, un spectacle singulier nous est réservé. Nous allons voir une assemblée très récemment et très modérément républicaine occupée à rendre la république praticable et possible en France. Cette assemblée aura du moins l’avantage de bien apprécier les difficultés de sa tâche ; car, si les républicains ne savaient guère pourquoi ils voulaient la république, nous savions, nous, parfaitement, pourquoi nous ne la désirions pas. Nous craignions, nous, précisément de toucher à ces questions brûlantes de l’élection, et de la responsabilité du pouvoir suprême. Nous savions ce que c’est que le pouvoir exécutif dans un pays de trente-cinq millions d’hommes, de