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laquelle viennent se concentrer les crimes de la révolution. Il en la légitimité par ses vertueuses intentions, favorables aux réformes ; il en prouve la nécessité par l’impuissance de son esprit, par les faiblesses de son caractère, image fidèle de l’agonie du principe d’autorité dans la vieille monarchie française ; mais son supplice portera une accusation éternelle contre la révolution, car de tous les hommes politiques que la tragédie révolutionnaire fit monter sur l’échafaud, il fut le seul innocent de cœur et de volonté. Il y a là un mystère qu’il faut éclaircir, sans quoi la révolution déroute les esprits, pervertit les ames, et demeure à jamais le scandale de l’histoire.

Ce scandale est la confusion qui exista dans les faits à mesure qu’ils s’accomplirent, et qu’un trop grand nombre d’écrivains ont perpétué dans les idées, — entre la légitimité la fatalité et les crimes de la révolution. Le but et les grands résultats du mouvement qu’on appelle la révolution française furent légitimes ; les événemens de la révolution s’accomplirent avec une fatalité qui brisa toutes les volontés humaines, avec un enchaînement nécessaire ; les hommes qui marchèrent en tête de la révolution commirent des crimes. Eh bien ! aucun historien de la révolution n’a su démêler fortement ces trois caractères ; tous les ont fondus en une solidarité odieuse et fausse. Pour repousser les résultats légitimes de la révolution, les uns leur ont imputé ses crimes ; sous le couvert de ses principes généreux, les autres ont voulu systématiquement absoudre ses crimes et en glorifier les auteurs. D’autres, contemplant et peignant ces terribles scènes avec des émotion d’artistes, ont oublié la responsabilité des hommes, c’est-à-dire la morale de l’histoire, dans l’emportement de leurs couleurs. Tant qu’on n’a pas débrouillé ce chaos de vrai et de faux, de bien et de mal, de justice et d’iniquité, on peut aimer ou haïr brutalement la révolution, on ne la comprend pas.

La révolution est légitime dans son principe et dans les progrès qu’elle a consacrés. Elle a la légitimité politique, morale, sociale, historique. Elle est légitime politiquement, parce qu’elle est venue chasser du gouvernement l’arbitraire, c’est-à-dire l’ignorance et l’iniquité, et qu’elle a voulu, en donnant des droits politiques aux citoyens, y faire pénétrer toujours plus activement la raison publique et l’influence des intérêts du plus grand nombre. Elle est légitime moralement, parce qu’elle est venue assurer, régler par des garanties la liberté de chacun, parce qu’elle a voulu que chaque homme eût dans sa vie sociale le développement naturel de ses facultés. Elle est légitime socialement, parce qu’elle a réalisé dans la société cette égalité native des hommes que le christianisme avait proclamée, et que, ne laissant subsister que les inégalités naturelles, celles qui sont l’œuvre de Dieu, elle détruit tous les privilèges injustes, toutes les inégalités artificielles. Elle est légitime