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à l’éducation des pauvres ; l’ordre des théatins fut créé pour suppléer à l’insuffisance du clergé de paroisse : comme les ministres protestans ils prêchaient aux multitudes sur les places publiques et dans les campagnes. Quelques années plus tard, saint Philippe de Néri créait une congrégation qui devait devenir l’oratoire. Saint Jean-de-Dieu naissait pour ainsi dire de la parole apostolique de saint Jean d’Avila ; il faisait vœu de servir Dieu dans les pauvres, dans les infirmes et particulièrement dans les aliénés, et créait l’ordre des Fate bene fratelli. Ce feu embrasait les femmes elles-mêmes, et la grande sainte Thérèse, comme une protestation contre des attaques trop souvent méritées par les corruptions morales de l’église romaine avant la réforme, rétablissait les effrayantes austérités des carmélites. À aucune époque, dans les temps modernes, on ne vit un plus grand nombre de saints : Charles Borromée, François Xavier, François Borgia, Stanislas Kotska, Louis de Gonzague, Pie V, etc ; mais celui en qui se personnifia surtout l’ardeur conquérante du catholicisme, celui qui fournit à la papauté sa plus vaillante, sa plus infatigable armée, ce fut ce gentilhomme navarrais qui, au moment où la chevalerie allait expirer dans la satire de Cervantes, se fit le chevalier errant de la sainte Vierge et du saint-siège, et enrôla sous le drapeau de Rome l’association la plus forte et la plus persécutée, la plus fidèle et la plus haïe, la plus influente et la plus calomniée, la plus militante et la plus combattue que le monde ait jamais vue : ce fut saint Ignace de Loyola.

Les chefs du catholicisme furent dignes des soldats. Au moment où Luther proclama sa séparation, l’autorité du saint-siège venait d’être déshonorée par une série de papes empoisonneurs, débauchés, ambitieux, profanateurs de leurs sublimes fonctions. Les moins funestes étaient ceux qui, comme Léon X, avaient protégé les arts et les lettres renaissantes ; mais, pour supporter le choc du protestantisme, il fallait plus que des artistes, il fallait des chrétiens : plus que des lettrés, des hommes d’action. L’église le sentit. Alors, pendant un siècle, on vit passer sur la chaire de saint Pierre des grands hommes ou des saints. Trois légats qui avaient présidé les délibérations du concile de Trente furent élus papes successivement ; le gouvernement de l’église se retrempa ainsi dans l’assemblée, qui était la représentation vivante du catholicisme ; puis l’on éleva à la papauté un théatin zélé, un patriote italien, Giari Pietro Caraffa, qui prit le nom de Paul IV, et, après deux courts pontificats, un pieux et intrépide dominicain, Michel Ghislieri, qui fut le Pie V dont M. de Falloux a écrit l’histoire.

Le règne de Ghislieri ne dura que six ans ; mais c’est celui de ce siècle où se ramassent avec plus d’énergie et au moment le plus décisif les grands traits de ce gigantesque gouvernement du catholicisme, de cet empire moral planant sur les états temporels, qui serait encore la merveille