Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/648

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

morale où d’autres n’arrivent que par le discernement de l’esprit et la droiture de la conscience, et où l’on embrasse en une même intelligence et en un même amour les traditions de notre vieille patrie et les conquêtes légitimes de la révolution. Il nous a donc paru intéressant de rechercher dans des livres publiés, il y a quelques années, par M. de Falloux les idées historiques de cette génération consciencieuse dont nous parlions tout à l’heure. Avant d’aborder les affaires, M. Falloux avait en effet exploré la vaste époque des révolutions religieuses et politiques dans deux œuvres sérieuses : l’Histoire de saint Pie V et l’Histoire de Louis XVI. On sent que l’auteur de ces livres a médité de bonne heure les problèmes de notre temps ; or, nous ne savons qu’une seule bonne manière d’adhérer à l’esprit et à la fortune de son siècle, c’est de sonder de haut et de loin les problèmes qui le tourmentent.

Comment le principe d’autorité peut se redresser plein de sève et de vigueur après avoir reçu les plus violentes atteintes ; par quelle série de faiblesses le principe d’autorité, même personnifié dans le cœur le plus pur, dans la main la plus honnête, mais affaibli par des corruptions antérieures, tombe sous l’agression de l’esprit révolutionnaire, voilà en deux mots les deux livres de M. de Falloux. Ce double enseignement prend ici une forme vivante dans l’existence de deux hommes, Pie V Louis XVI : Pie V, l’un des papes du XVIe siècle qui ont rallié avec le plus de force et d’élan la catholicité en déroute, et, la ramenant au combat, ont fait reculer le protestantisme dans des limites qu’il n’a plus franchies depuis ; Louis XVI, qui, dans sa propre personne et même dans ses vertus, présentait l’autorité anéantie aux coups révolutionnaires de l’esprit de destruction. Ce sont les destinées éternelles de la société qui se débattent dans les vicissitudes de ces deux vies. Les livres de M. de Falloux à la main, j’essaierai d’exposer quelques-unes des conclusions les plus pratiques qu’on en puisse tirer. Au nom même du principe d’autorité, je rechercherai ce qu’il y a de légitime, de noble, de fécond dans les résultats de la triple révolution religieuse, philosophique et politique ; contre l’esprit révolutionnaire, je montrerai le principe d’autorité survivant à ces trois révolutions, qui n’ont fait que modifier le milieu où ce principe s’exerce et quelques-uns de ses moyens d’action, mais qui n’ont rien enlevé et ne pourront jamais ravir un atome à la sublimité de son essence, à la légitimité de ses droits, à la majesté de son empire.

Un mot sur la nature des deux forces qui se sont livré bataille pendant ces révolutions. J’entends par le principe d’autorité la force de conservation de règle, de gouvernement, d’unité, sans laquelle les sociétés humaines n’auraient plus de cohésion et tomberaient en poussière ; j’entends par l’esprit révolutionnaire ce débordement d’aspirations, cette furie de désirs, ce déchaînement d’ambitions, ce délire d’orgueil