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sa politique. « Eh bien ! n’avais-je pas raison de refuser la réforme ? » Tel est son commentaire favori. En effet puisqu’il a trop attendu pour céder librement, mieux eût valu pour lui résister jusqu’au bout.

Louis-Philippe est très porté à penser que le principe monarchique a fait chez nous son temps. Il ne croit personne de force à recommencer une partie qu’il a perdue. Louis-Philippe accueille volontiers d’un air impatient, au besoin même railleur, l’expression de toute opinion contraire, et, l’esprit de contradiction aidant, le vieux roi se surprend parfois à de piquantes réminiscences de 1792. La France, avec son fanatisme d’égalité, avait, selon lui, mille, raisons de vouloir la république tout en redoutant, pour mille autres bonnes raisons, les républicains. Le tort de la France en février a été de croire que ceux-ci étaient déjà annihilés, et que la monarchie de 1830, derrière laquelle elle s’était retranchée contre les prétentions des traînards de 93, n’était plus désormais un rempart nécessaire. Les masses étaient, du reste, assez disciplinées cette fois pour que le nouveau régime pût se constituer d’une façon régulière il ne lui a manqué pour cela, à son début, qu’une direction intelligente et honnête. Louis-Philippe se serait fait fort d’imprimer cette direction. « Si 1830 eût pu tarder jusqu’au 24 février disait-il, la république eût fait de moi son président. » La meilleure preuve, selon Louis-Philippe, que la monarchie était bien peu enracinée dans les esprits, c’est qu’elle est tombée cette fois sans être sortie de la légalité, et, qui plus est, pour être restée jusqu’au bout dans la légalité. Le roi relève avec une certaine insistance ce dernier point. C’est là qu’est visiblement, à ses yeux, la réhabilitation de sa défaite et comme la porte d’honneur par laquelle il entend sortir de l’histoire.

Tout en tenant compte des tendances républicaines du pays, Louis Philippe croit cependant qu’elles ne se seraient pas manifestées par une révolution, sans la direction imprévue que donna au mouvement de février le coup de pistolet du boulevard des Capucines. Aussi ne prononce-t-il le nom de l’auteur bien connu de ce guet-apens qu’en y joignant une épithète dont la vulgarité même fait l’énergie. D’après le vieux roi, l’heure et le lieu de cette provocation, calculés de façon à faire tomber sous le feu des soldats des enfans et des femmes, cette charrette arrivée à point pour recueillir les morts, cette mise en scène de cadavres promenés aux flambeaux, tout dénotait ici la préméditation d’une horrible comédie dont chaque effet avait été soigneusement préparé. Louis-Philippe est persuadé que, si cette catastrophe n’était venu déconcerter et paralyser la garde nationale, a république, bien qu’accomplie dans les idées, eût pu indéfiniment tarder à se produire dans les institutions. Le régime de 1830 assouvissait assez largement, selon lui, notre soif de liberté et d’égalité pour que la chose nous fit long-temps passer sur le mot. Est-ce là une illusion ? Puisqu’il n’y a