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masse à l’action d’un pressoir, de sécher les gâteaux ainsi obtenus dans une étuve à courant d’air chaud, alimentée par le feu même des chaudières, puis de les mettre en caisse ou en baril. On voit que désormais les brûleries peuvent sans crainte s’installer au bord de la mer ; on voit aussi que les navires brûleurs auront d’autant moins à craindre de revenir à vide, qu’ils pourront rapporter et l’huile et le trangrum qui l’aura fournie[1].

Joignons à ce qui précède l’importance de la pêche des harengs, considérée comme école de jeunes marins[2], et l’on comprendra combien sont graves et nombreux les intérêts qui se rattachent à cette industrie ; aussi a-t-elle attiré à diverses reprises l’attention des chefs de l’état. Malheureusement, en France, les intentions des divers gouvernemens ont été souvent plus bienveillantes qu’éclairées. Sur ce point, comme sur bien d’autres, la législation des pêches laisse beaucoup à désirer. Sans entrer ici dans des détails qui nous entraîneraient beaucoup trop loin, nous nous bornerons à citer deux exemples qui ne justifieront que trop notre assertion.

On sait que le sel employé aux salaisons est délivré en franchise de tout droit. Malheureusement le fisc fait acheter cette faveur par une multitude de précautions dont on comprend jusqu’à un certain point l’utilité, quand il s’agit de salaisons faites à terre, mais qui, appliquées à celles qui se fabriquent en mer, n’ont d’autres résultats que d’arrêter ou de paralyser tous les efforts. Moins heureux que les pêcheurs de morue, les pêcheurs de hareng n’ont pu encore obtenir d’être placés sous le même régime. Aux premiers, on accorde tout le sel qu’ils demandent sur la seule condition de réintégrer en entrepôt ce qu’ils n’auront pas employé. Quant aux seconds, quel que soit le tonnage du bateau, ils ne peuvent en obtenir au-delà de 6,250 kilogrammes, quantité très insuffisante pour les besoins d’un grand navire. Ainsi l’administration met les pêcheurs dans la nécessité absolue ou de n’employer que de petits bâtimens, résultat déplorable au point de vue de l’éducation des hommes et du développement de la marine, ou de ne préparer en mer que des salaisons défectueuses, incapables de soutenir la concurrence étrangère, ou de revenir à terre avant d’avoir

  1. Parmi les clupéoïdes exotiques, il en est un certain nombre qui se prêteraient parfaitement à la double industrie dont nous parlons ici. Nous citerons surtout la sardinelle de Nieuhoff, si commune sur les côtes du Malabar, et la spratelle frangée, dont le corps est tellement imprégné de graisse, qu’on ne parvient jamais à la sécher entièrement.
  2. Dans le mémoire que nous avons cité plus haut, M. Edwards porte à 26,000 environ le nombre des matelots, mousses ou novices employés à la petite pêche sur l’ensemble de nos côtes en 1820. Dans ce total, les pêcheurs de harengs figurent pour 5,000. Ainsi la pêche du hareng fournit à elle seule près du cinquième de cette pépinière de matelots d’où sortent les marins propres aux pêches lointaines, au commerce de long cours et au service maritime à bord des bâtimens de l’état.