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moins clairvoyans, que renverser cette muraille qui change en désert le voisinage du port. À peine sera-t-elle tombée, que les élémens épars d’un grand ensemble se souderont et s’assimileront d’eux-mêmes.

Cette langue de terre qui s’avance au milieu de l’arrière-port sur la direction du chemin de fer de Lille, dont l’extrémité est déjà flanquée d’une écluse, forme, sur la direction du chemin de fer du Nord, un parallélogramme de 290 mètres sur 42. Les navires appliquent déjà leurs flancs à ses quais. Qu’ils y trouvent le contact des wagons du chemin de fer, que la partie orientale de l’arrière-port se transforme en un second bassin à flot, commun aux navires de la mer et aux bateaux de l’intérieur, et aussitôt les frais de chargement, de déchargement et d’expédition des marchandises qui s’échangent à Dunkerque entre la mer et la terre, seront réduits des trois quarts. Cette presqu’île allongée qui serait comprise entre deux bassins à niveau constant, que baigneraient d’un côté les eaux d’un réseau navigable qui s’étend de la Seine à l’Escaut, que sillonneraient les rails d’un chemin de fer desservant la Flandre, Paris, et communiquant par Namur, Liége et Cologne, avec la Prusse, cette presqu’île est peut-être le lieu le mieux disposé qui soit au monde pour recevoir un entrepôt, et cette fondation, en développant toutes les ressources locales, mettrait Dunkerque en état de lutter avantageusement, sur certains points, même avec Anvers.

Appuyé sur la clientelle directe de la province la plus riche et la plus peuplée de France, le port de Dunkerque est mieux à portée de Londres que celui d’Anvers. Les navires venant du nord ne l’atteignent pas moins vite, et ceux qui viennent de la Manche gagnent moyennement, à s’y rendre de préférence, trois jours de navigation. Quoi qu’on en ait dit, les chargemens de retour ne sont pas plus abondans à Anvers[1] qu’à Dunkerque. Les droits de tonnage sont, à la vérité, chez nous, de 4 fr. 12 cent. par tonneau et exigibles à chaque voyage, tandis qu’en Belgique ils sont de 2 fr. 15 cent. payables seulement une fois par an ; mais, indépendamment de ce qu’ils ne portent point sur le pavillon national, cette différence est effacée par nos traités d’affranchissement réciproque avec l’Angleterre, la Hollande, la Russie, le Danemark, les États-Unis, la Sardaigne, les Deux-Siciles, qui fournissent au port de Dunkerque les deux tiers du tonnage étranger, et par le droit de 3 francs 17 cent. que perçoit la Hollande sur la navigation de l’Escaut. Les frais de port ne diffèrent pas sensiblement. La seule supériorité réelle de la place d’Anvers consiste dans l’abondance de ses capitaux : le commerce n’y fait presque aucune expédition pour son compte ; il reçoit des marchandises en consignation, revend par commission,

  1. D’après les registres des douanes belges, la moyenne annuelle des chargemens effectifs entrés à Anvers pendant les cinq années 1841-45 a été de 212,073 tonneaux, et celle des chargemens sortis de 52,575 tonneaux seulement. Ainsi les retours n’y sont pas le quart des arrivages.