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qu’elle occupera dans notre avenir lui sont assignées par sa position sur la mer du Nord et la proximité de sa rade. Cette rade est, à partir de Cherbourg, ou si l’on veut de la Hougue, la seule des côtes de France où puissent s’abriter des vaisseaux. Elle consiste en une sorte de gaîne ouverte à l’ouest et comprise entre la côte et un banc de sable parallèle qui se rattache à la terre à 11 milles à l’est de la ville : les vaisseaux de ligne peuvent y mouiller sur une étendue de 11 kilomètres de long sur un de large. Le chenal du port s’ouvre vers le milieu de cet espace. Le banc qui couvre la rade du côté du large forme un plateau sur lequel il reste à mer basse d’un à 3 mètres d’eau : parfois l’amoncellement des sables en élève certaines parties au-dessus du niveau de la mer, parfois aussi le plateau s’affaisse sous des courans qui s’établissent transversalement ; mais, malgré les variations fréquentes et quelquefois considérables qu’éprouve une matière aussi impressionnable que le sable pur, la rade de Dunkerque s’est maintenue au travers des siècles. L’existence de cette rade est donc l’effet de la permanence de causes puissantes. La nature et l’action, il faut l’avouer, n’en ont pas encore été suffisamment étudiées, et des circonstances récentes attacheraient à cette étude un haut intérêt. Depuis quelques années, en effet, un mouvement inquiétant s’est manifesté dans la partie occidentale du banc. La pointe n’en a pas varié ; mais à 5 kilomètres à l’est, sous la méridienne de Mardyck, les courans se sont frayé, entre les deux tronçons désignés sous les noms de Snouw et de Braeck, un passage où la profondeur était, en 1836, de 6 à 7 mètres sur des points qui, trente ans auparavant, découvraient à mer basse, et le calme produit latéralement donnait lieu à la formation d’une barre en travers de la rade. Ces effets sont marqués sur la carte hydrographique publiée au dépôt de la marine en 1840. S’ils se développaient, la rade actuelle se comblerait inévitablement ; la vallée sous-marine qui la constitue se reporterait au large, et l’atterrage de Dunkerque ressemblerait alors à ceux de Nieuport et d’Ostende. Ce déplacement du fond n’est point encore assez considérable pour affecter la navigation du commerce, et comme, depuis longues années, il ne s’est point présenté de vaisseaux de ligne devant Dunkerque, on en a tenu peu de compte. C’est une négligence qui fait peu d’honneur à l’administration de la marine : elle peut tout exiger du zèle et du talent du corps d’ingénieurs hydrographes dont elle dispose, et ceux-ci sont tout prêts à rechercher, dans la vérification périodique des atterrages sujets à de grandes variations, les moyens de les conserver et de les améliorer. Ce côté de la rade de Dunkerque n’est pas le seul sur lequel l’attention doive demeurer éveillée. Lorsqu’en 1802 et en 1806 M. Beautemps-Beaupré fut chargé par Napoléon de reconnaître à quelles forces navales elle était susceptible de fournir un abri, il prit pour points de repère ceux de très bons levers faits