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dont les intérêts prévalaient dans les conseils de la coalition, firent insérer comme condition sine quâ non dans le projet de traité que les fortifications de la ville de Dunkerque et tout ce qui pourrait en dépendre seraient rasés que le port serait comblé, sans qu’il fût permis de rétablir les fortifications et de rendre le port navigable à jamais, ni directement. Louis XIV indigné rompit les négociations. Le parlement britannique fit une adresse à la reine pour lui recommander de faire en sorte que les fortifications et le port de Dunkerque fussent démolis et ruinés, et la reine promit, dans sa réponse, de faire tous ses efforts pour parvenir à cette fin.

Les corsaires de Dunkerque redoublaient vainement d’audace et de bonheur. Mons, Tournay, Douai, Béthune, Aire, Saint-Venant, ayant succombé sous les alliés au commencement de 1710, de nouvelles propositions de paix étaient faites, et la condition de combler le port de Dunkerque avec les matériaux de ses remparts les faisait encore repousser. En 1711, autres négociations échouant par le même motif ; mais le siège en était à Londres, et cette circonstance rappelait le cabinet de Saint-James à son habitude de ne s’engager dans les querelles du continent qu’autant qu’il convient à ses intérêts propres : le point capital était pour lui la destruction de Dunkerque, à laquelle tenaient beaucoup ses alliés, et pourvu qu’il l’obtînt, il devenait coulant sur ce qui ne touchait qu’eux. Cette diversité de tendances fit naître des défiances dont profitèrent nos négociateurs. Louis XIV, voyant périr en quelques mois trois dauphins et la dauphine enceinte, croyait sa famille l’objet des vengeances célestes ; les succès des alliés continuaient ; la France, épuisée d’hommes et d’argent, était réduite aux abois, et il était chaque jour plus évident que la seule voie de salut qui nous restât était de rompre à tout prix l’alliance de nos ennemis : les Anglais s’en retiraient, si l’on voulait leur sacrifier Dunkerque ; on le leur promit enfin et un armistice particulier fut signé entre la France et l’Angleterre. Ce fut en vertu de cette convention, signifiée le 18 juillet 1712 aux alliés, que le duc d’Ormond les quitta sur les bords de l’Escaut. Le maréchal de Villars tomba immédiatement sur eux et les défit, le 3, à Denain. Ce fut ainsi que Dunkerque paya la rançon de la couronne de France. Le traité d’Utrecht fut signé le 11 avril 1713 ; il porte à son article 9 : Le roi très chrétien fera raser les fortifications de la ville de Dunkerque, combler le port, ruiner les écluses qui servent au nettoiement du port, le tout à ses dépens et dans le terme de cinq mois après la paix conclue et signée, savoir : les ouvrages de mer dans l’espace de deux mois, et ceux de terre avec lesdites écluses dans les trois mois suivans, à condition encore que lesdites fortifications, port et écluses ne pourront jamais être rétablis.

La démolition des fortifications commença le 7 octobre 1713, et les