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provinces voisines ; des méthodes de culture perfectionnées s’y transplantent avec eux, et l’arrondissement de Dunkerque est en état de fournir des transformateurs à tout pays où existent des marécages et des champs incultes.

Voilà ce que sont les watteringues de Dunkerque, et voilà ce que sait créer, sans demander aucun sacrifice à l’état, l’alliance du sentiment de la propriété individuelle et de l’esprit d’association tel qu’on l’entendait en 1802, en 1699 et même en 1619. Le socialisme nous crie depuis vingt ans qu’il saurait beaucoup mieux faire. Qu’il fasse donc ! Il est grand temps qu’il s’y mette ; l’inaction dans la liberté n’est permise qu’à l’impuissance, et elle conduit vite au ridicule quand elle s’allie à la prétention de tout envahir. Jusqu’ici, les seules œuvres qu’il puisse présenter comme siennes sont la comédie du Luxembourg, les ateliers nationaux avec leurs conséquences naturelles, et des banquets à trente sous où l’on trouve à manger pour quinze. Espérons qu’il a d’autres secrets de faire la fortune du genre humain. Ce n’est pas le champ qui manquera à ses expériences, et, sans chercher plus loin, il trouverait sur la rive gauche de l’Aa un autre territoire à watteringues, aussi étendu et moins avancé d’un siècle que celui de Dunkerque.

Sans doute l’agriculture n’est pas arrivée, dans les environs de Dunkerque, à son dernier degré de perfection ; elle peut encore améliorer les instrumens aratoires, les races d’animaux, emprunter aux arts chimiques ou au commerce dans les assolemens de nouveaux végétaux ; mais la meilleure enquête qu’elle puisse faire aujourd’hui, c’est celle des sables stériles qui séparent de la mer les riches campagnes que nous venons de parcourir. Le flot et les vents d’ouest s’emparent, à l’embouchure de l’Aa, du limon dont sont surchargées les eaux de cette rivière, et le poussent à la côte. Parmi les propriétaires riverains, quelques-uns ont endigué ces dépôts, et, si ces entreprises passaient une certaine limite, la rade de Dunkerque ne pourrait manquer d’en souffrir. D’autres, plus dignes d’être encouragées, enlèvent à mer basse le limon de l’estran[1], l’étendent sur les sables voisins, et transforment ainsi des grèves stériles en terres fécondes. Beaucoup de terres sablonneuses des environs de Gravelines réclameraient cet amendement ; mais l’éloignement du rivage oblige à le leur refuser. Cette grande amélioration s’obtiendrait partout avec économie par les procédés du colmatage, dans lesquels l’eau sert elle-même de véhicule au limon ; Les eaux vaseuses de l’Aa peuvent se dériver depuis Watten jusqu’à l’éclusé de Vauban, être conduites sur tous les terrains maigres et reçues dans des clôtures en terre, d’où elles se

  1. On sait que l’estran est cette partie des plages sablonneuses qui couvre et découvre à la marée.