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parlons, elle s’est bien gardée de tomber dans les mêmes fautes. Les encouragemens et les primes se sont adressés à tous, et les résultats heureux de ces mesures libérales ne se sont pas fait attendre. L’art des salaisons a été perfectionné au point qu’en 1826 les harengs d’Écosse, portés sur le marché de Hambourg, ont été préférés à ceux qui avaient été préparés en Hollande. Depuis 1809, le nombre des pêcheurs a été toujours croissant, de telle sorte qu’en 1826 on a compté 10,363 bateaux ou barques montés par 44,598 pêcheurs, qui ont fourni la matière première à 76,041 marineurs ou saleurs. Dans cette même période, le chiffre des exportations s’est élevé avec une rapidité extrême[1], et, en 1835, la pêche écossaise, à elle seule, a fourni 402,000 barils de harengs. Si le rendement a diminué de près de moitié l’année suivante, il faut l’attribuer à une disparition subite du poisson par suite d’un phénomène analogue à ceux que nous avons déjà mentionnés plusieurs fois, et sur lesquels nous reviendrons plus loin. Quoi qu’il en soit, la pêche du hareng est devenue, pour les Îles Britanniques, de plus en plus fructueuse, et prendra, sans nul doute, des développemens nouveaux sous l’influence de la convention, conclue, malheureusement pour nous, en 1839, entre la France et l’Angleterre.

La pêche des harengs n’a jamais eu en France l’importance que nous lui avons vue acquérir chez les peuples étrangers. Cet état d’infériorité tient peut-être, il faut bien le dire, au défaut d’encouragemens et aux entraves administratives ou réglementaires dont elle a été trop souvent surchargée. Nous voyons, il est vrai, à de longs intervalles, Philippe-Auguste, Louis IX et Henri IV s’occuper de cette industrie et chercher à la favoriser ; mais habituellement nos pêcheurs, abandonnés à leurs seules ressources, ont eu à lutter à la fois contre la concurrence étrangère et contre les tracasseries du fisc ou des employés de la gabelle. Néanmoins quelques-unes de nos villes maritimes trouvèrent dans le commerce du hareng des élémens de prospérité. Dans le XIVe siècle, Caen, Rouen et Dieppe servaient d’entrepôts à d’immenses quantités de harengs salés venant du Nord, et qui sortaient ensuite de ces villes pour se répandre en France et jusque dans le Levant. Dieppe se livrait en outre à la pêche et armait de cent à cent cinquante grands drogueurs ou navires du port de cent tonneaux, sans compter de nombreuses barges ou barques non pontées. Plus tard, toutes les villes du littoral suivirent cet exemple, et la France s’affranchit presque entièrement du

  1. Nous croyons devoir citer ici quelques chiffres propres à donner une idée de la rapidité de ces progrès :
    Années Barils salés Barils exportés
    1810 90,185 35,848
    1815 160,139 141,305
    1821 242,195 195,805
    1826 379,233 207,037