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des marchandises aux gages d’une piastre à l’heure. Le bons ouvriers exigeaient 10 où 12 dollars par jour. Un capitaine de navire chercha pendant une journée entière un manœuvre pour emmagasiner quelques barils ; il avisa enfin sur le port un malheureux qu’au délabrement de son costume il crut être sûr de pouvoir enrôler : à peine conservait-il quelques restes de vêtemens. Le capitaine l’aborda et demanda s’il cherchait du travail ; sur sa réponse affirmative, il allait lui expliquer ce qu’on exigeait de lui, quand l’autre, interrompant, lui dit : — Oh ! ce n’est pas ce genre de travail qu’il me faut ; — et, lui montrant en même temps un sac fait avec sa chemise, et qui contenait plusieurs livres de poudre d’or : — C’est aux mines que je veux aller travailler. Voyez ce que j’ai là : ce sac est plein de poudre d’or. Pensez-vous maintenant que je consente à voiturer des barils et des caisses pour huit où dix dollars par jour ? Non, non ; ce n’est pas là ma besogne. — Et là-dessus il s’en alla avec un geste de mépris. De pareilles scènes ont dû se renouveler bien des fois.

À qui connaît l’esprit ardent pour la spéculation de la race américaine, il est facile de comprendre quelle excitation de semblables nouvelles, commentées avec l’exagération habituelle des journaux américains, ont dû produire dans tous les États-Unis. Nous ne croyons pas être au-delà de la vérité en disant qu’aujourd’hui plusieurs centaines de bâtimens ont déjà fait voile ou vont partir des différens ports de l’Océan Atlantique et du golfe du Mexique à destination de la Californie ou de l’isthme de Panama. En outre, des caravanes de plusieurs milliers d’émigrans se disposent à franchir l’immense étendue de pays qui sépare de la Californie les états le plus à l’ouest de l’Union. Déjà, assure-t-on, près de cinquante mille émigrans sont en marche ; la route frayée depuis plusieurs années par les caravanes de la compagnie des fourrures du Missouri a été améliorée. Il paraît que ce voyage, quoique pénible, est plus effrayant par sa longueur que par les dangers réels qu’il présente. Les voyageurs qui se rendent des États-Unis en Californie ont deux routes principales à suivre. Partant de Saint-Louis-Missouri, situé sur le 93e degré longitude et par le 38e degré latitude, ils remontent le Missouri et son affluent, la Rivière Plate, sur lequel de petits bateaux à vapeur naviguent jusqu’au fort Larami par le 108e degré longitude et le 42e degré latitude, ou jusqu’au fort Saint-Vrain, situé vingt-cinq lieues plus au sud que le fort Larami, sur la branche sud de la Rivière Plate. Les caravanes franchissent la Passe du sud des Montagnes-Rocheuses, qui prennent dans cet endroit le nom de Monts de la rivière du Vent ; puis elles se dirigent à l’ouest, vers le lac Youta, situé par le 116e degré longitude. C’est là qu’est le dépôt de la compagnie américaine des fourrures. Du lac Youta à San-Francisco, il reste environ deux cents lieues à parcourir à travers un pays assez