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sens opposé portaient une indication salutaire. Elles prouvaient que les départemens se préoccupaient par-dessus tout de faire rentrer le pays dans les voies légales, tandis que Paris était encore profondément travaillé par l’esprit de révolte et par les idées les plus chimériques. Ces faits, appréciés à leur juste valeur, auraient dû agir sur l’assemblée et lui inspirer une nouvelle politique. Il n’en fut rien. Elle persévéra dans sa complaisance pour la commission exécutive, malgré les preuves quotidiennes que celle-ci lui donnait de son incapacité ou de son mauvais vouloir. De déplorables événemens devaient être la conséquence de cette conduite.

Une formidable insurrection éclate dans Paris. Les communistes, les montagnards et les socialistes réunis parviennent à tenir en échec, pendant quatre jours, le gouvernement, la représentation nationale, l’armée et la garde nationale. Jamais la société ne fut si près de sa perte. Des flots de sang coulent ; le pays perd dans cette lutte fratricide de braves généraux ; nos légions civiques sont décimées ; des actes atroces sont commis, et le télégraphe, loin de transmettre cette fois des ordres impérieux aux départemens, implore minute par minute leur secours. Les gardes nationales accourent de tous les points, même des extrémités du territoire. Grace à cet effort énergique, la démagogie est vaincue. Telle est la catastrophe à laquelle devaient aboutir cinq mois d’un régime révolutionnaire et la faiblesse de nos représentans.

Pendant le combat, les membres de l’assemblée, comme dans la journée du 15 mai, firent preuve de courage individuel ; mais leur conduite politique fut-elle à la hauteur de ces terribles circonstances ? Ce qu’ils n’avaient pas voulu faire une semaine auparavant, de sang-froid et par réflexion, à l’occasion du décret sur les dépenses secrètes, ils le font avec emportement et sous le coup de l’insurrection. Ils renversent la commission exécutive, et remettent la dictature au général Cavaignac. Fallait-il donc la lueur sinistre du canon et le spectacle d’une affreuse collision pour les éclairer sur la situation, et leur faire mesurer l’incapacité du pouvoir exécutif ?

L’abîme était découvert à tous les yeux. Le moment était venu de prendre les résolutions les plus extrêmes. Il fallait organiser un gouvernement puissant non-seulement par sa force matérielle, mais aussi par son ascendant moral. Les hommes classés parmi les républicains de la veille ne pouvaient plus inspirer de confiance. Les élémens du nouveau pouvoir devaient être pris dans cette portion de l’assemblée qui se préoccupait avant tout de restaurer le respect dû aux principes éternels de toute société. C’était d’autant plus nécessaire, que le chef du pouvoir exécutif appartenait par ses liens de famille par son éducation, par ses sentimens, à l’école révolutionnaire. L’assemblée était en droit d’exiger de lui que ses ministres fussent choisis dans les rangs du parti