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Néanmoins M. Caussidière donna sa démission, pour aller solliciter une ovation du peuple de Paris, séduit par sa bonhomie révolutionnaire.

Avec plus de décision, l’assemblée pouvait elle-même procéder à la dispersion des clubs, à la révocation des agens coupables de tolérance sur les anarchistes, à la répression des écrits incendiaires, au désarmement de quelques légions de la garde nationale dont le mauvais esprit n’était que trop connu, au licenciement des corps non autorisés, et au renvoi des ouvriers sans travail. Elle nous aurait de la sorte épargné les cruelles douleurs que nous devions subir quelques semaines plus tard.


IV

Le spectacle de ces faiblesses affligeait profondément la province. Le pays, qui perdait une à une toutes ses illusions, s’engagea dès-lors chaque jour davantage dans la résistance. Des élections eurent lieu pour remplir les vides laissés par l’option des députés nommés dans plusieurs départemens. Cette fois, la répugnance pour les noms anciens cessa. On n’était pas satisfait des hommes nouveaux ; on attribuait leurs fautes à l’inexpérience ; on ne leur croyait plus ni l’habileté ni la fermeté nécessaires pour tirer la France de l’affreux chaos où elle était plongée. On voulut leur donner des chefs qui, par leurs talens éprouvés, par leur habitude des luttes politiques, pussent les diriger et les ramener à une appréciation plus juste des besoins et des vœux de la nation. C’est ce mouvement qui fit arriver successivement à la représentation nationale M. Thiers, M. Victor Hugo, M. Ch. Dupin, le général Changarnier, M. Molé, le général Rulhière, le maréchal Bugeaud, M. A. Fould, M. Rivet, etc. Quelques-uns de ces noms avaient une grande signification. M. Thiers, qui, aux élections d’avril, n’avait pu être élu dans le département des Bouches-du-Rhône, son pays natal, recevait alors une sort d’ovation électorale. Il était proclamé représentant dans cinq départemens à la fois. C’était un appel que la France faisait à son patriotisme et à ses lumières. Le département de la Gironde allait chercher M. Molé dans sa retraite. Cet homme d’état, illustre par sa longue carrière et par les principes qu’il avait défendus toute sa vie, était l’expression la plus éclatante de la politique d’ordre et de conservation.

Les élections du mois de juin présentèrent un double caractère. Pendant que la province appelait la représenter les hommes qui devaient être les chefs du parti modéré, Paris accordait ses suffrages à M. Caussidière, à M. P. Leroux, à M. Lagrange, à M. Proudhon, c’est-à-dire aux chefs du socialisme et du communisme. Ces deux manifestations en