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avec Paris, si une surprise, telle que celle de février, faisait passer le gouvernement au pouvoir des nouveaux terroristes. Cette ligue était formidable. Ce n’était point une conspiration, car ceux qui en faisaient partie le déclaraient hautement et publiaient leurs intentions dans les journaux les plus accrédités. Si l’assemblée, par ses premiers actes, avait montré plus de fermeté, ces résolutions extrêmes n’auraient pas été nécessaires ; mais les départemens, par cette attitude, espéraient lui inspirer plus de confiance dans sa force, et enfin la porter à une action plus décisive contre le parti révolutionnaire.

La journée du 15 mai eut lieu. L’enceinte du palais national fut envahie par les hordes de Blanqui et de Sobrier. La garde nationale de Paris, sans se préoccuper, cette fois, des anarchistes qu’elle contenait dans son sein, délivra, l’assemblée, et préserva l’Hôtel-de-Ville d’une nouvelle usurpation.

Les représentans avaient montré une noble attitude au milieu des scènes effroyables qui s’étaient déroulées sous leurs yeux ; mais cette fermeté devait-elle rester passive ? L’audace des factieux, l’impuissance du gouvernement, ne leur imposaient-elles pas l’obligation de retirer à la commission exécutive le pouvoir dont elle usait si mal ? Quelques-uns des membres de la commission n’avaient-ils pas avoué que les ordres qu’ils avaient donnés dès le matin au ministre de l’intérieur, pour faire arrêter les chefs du complot, n’avaient pas été exécutés[1] ? On avait prescrit, mais inutilement, de faire battre le rappel, et la garde nationale, réunie par l’initiative de quelques-uns de ses colonels, n’avait pu arriver que vers quatre heures de l’après-midi pour dégager l’assemblée. Ces faits déplorables n’étaient-ils pas de nature à provoquer la juste sévérité de l’assemblée contre le gouvernement et ses agens ? MM. Garnier-Pagès et Flocon, malgré l’impéritie où la coupable faiblesse de la commission exécutive, osèrent invoquer ses droits à la confiance des représentans du pays. Ils insistèrent vivement pour que l’assemblée laissât le gouvernement seul juge des mesures à prendre, soit pour sévir contre les auteurs de l’attentat, soit pour prévenir de nouvelles insurrections. Les représentans se rendirent à ces exhortations. Ils se bornèrent à autoriser des poursuites contre MM. Albert et Barbès, saisis à l’Hôtel-de-Ville à la tête des insurgés, et contre le général Courtais, arrêté par la garde nationale elle-même, furieuse de sa coupable inaction. Quant au préfet de police, il se justifia dans un langage qui n’appartient qu’à lui, et, par cet aphorisme barbare qu’il « avait fait de l’ordre avec le désordre, pour assurer la splendeur du gouvernement républicain, » il désarma l’assemblée, qui déclara à plusieurs reprises qu’elle n’entendait pas le révoquer de ses fonctions.

  1. Discours de M. Garnier-Pagès.