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étaient les considérations par lesquelles l’illustre poète fut entraîné à poursuivre son essor révolutionnaire ; lui-même les reproduit dans sa brochure intitulée : Trois mois au pouvoir. Il était dans sa destinée de périr emporté comme Mazeppa, laissant ses chairs et ses membres déchirés à travers les phases de notre révolution. Lui, si grand le 5 mai lorsqu’il entrait à l’assemblée constituante, accompagné des applaudissemens de plusieurs millions de voix, on demande aujourd’hui dans l’enceinte législative ce qu’il est devenu. Il ne reste plus vestige de cette immense popularité.

M. de Lamartine se dévoua pour la justification et le triomphe de la portion radicale du gouvernement provisoire. En déposant ses pouvoirs comme membre de la commission de l’Hôtel-de-Ville, il lut un rapport où il exposait, dans un langage semé d’images brillantes et de métaphores poétiques, la situation de la république vis-à-vis de l’Europe. Il. est bon, maintenant que notre sang-froid nous est revenu, de remettre sous les yeux du public ces hyperboles dégonflées au souffle des événemens. « Notre système aujourd’hui, disait le poète en terminant, c’est le système d’une vérité démocratique qui s’élargira aux proportions d’une foi sociale universelle. Notre air vital, c’est le souffle de la liberté dans les positions libres de tout l’univers. Trois mois ne se sont pas écoulés, et, si la démocratie doit avoir sa guerre de trente ans comme le protestantisme, au lieu de marcher à la tête de trente-six millions d’hommes, la France, en comptant dans son système d’alliés la Suisse, l’Italie et les peuples émancipés de l’Allemagne, marche déjà à la tête de quatre-vingt-huit millions de confédérés et d’amis. Quelle victoire aura valu à la république une pareille confédération, conquise sans avoir coûté une vie d’homme et cimentée par la conviction de notre désintéressement ! La France, à la chute de la royauté, s’est relevée de son abaissement, comme un vaisseau chargé d’un poids étranger se relève aussitôt qu’on l’en a soulagé.

« Tel est, citoyens, le tableau exact de notre situation extérieure. Le bonheur où la gloire de cette situation sont tout entiers à la république. Nous en acceptons seulement la responsabilité, et nous nous féliciterons toujours d’avoir paru devant la représentation du pays, en lui assurant la grandeur, les mains pleines d’alliances et pures de sang humain. »

L’enthousiasme fut si grand à la suite de ce discours, que plusieurs orateurs en demandèrent l’envoi dans les départemens et aux gouvernemens des puissances étrangères. M de Lamartine fut obligé de calmer cet élan. Une réunion aussi neuve pouvait seule prendre au sérieux de pareilles rêveries. C’est ce moment d’émotion que les anciens rédacteurs du National saisissent pour réhabiliter solennellement la politique du gouvernement provisoire. Ils proposent un ordre du jour