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nous devons attribuer l’esprit flottant et la marche indécise de la constituante de 1848.

Les désignations que nous venons de rappeler voilaient donc des tendances bien autrement opposées que ne le faisait supposer le rapprochement des mots. M. Ledru-Rollin était le chef reconnu des républicains de la veille ; M. de Lamartine voyait se grouper autour de lui les républicains du lendemain. M. de Lamartine, par sa résistance aux emportemens démagogiques de l’Hôtel-de-Ville, méritait alors d’être considéré comme l’homme le plus propre à arrêter la révolution. Sa candidature fut adoptée avec enthousiasme dans les départemens. Elle devint la bannière de tous ceux qui voulaient, dans ce bouleversement général, ressaisir quelques débris de l’édifice social et reconstruire un gouvernement.

Les professions de foi ne furent ni claires, ni précises ; les généralités les plus vagues, les déclamations les plus vides en firent les frais. N’est pas dans ces documens qu’il faut chercher la trace des préoccupations qui dominaient les électeurs. Les clubs démocratiques étaient rares dans les provinces, et n’étaient fréquentés que par des individus décriés ou sans influence. Les réunions du parti modéré, au contraire, étaient nombreuses et retentissaient des protestations les plus énergiques contre l’anarchie. C’est dans ces assemblées que se produisait le véritable esprit du pays. Il se résumait dans ces trois propositions sur lesquelles les candidats étaient provoqués à s’expliquer catégoriquement :

1° Révision de tous les actes du gouvernement provisoire accomplis depuis le 24 février ;

2° Résolution de combattre les révolutionnaires, en quelque sorte maîtres de Paris, et de leur infliger une vigoureuse répression, s’ils venaient, comme ils l’annonçaient, à porter atteinte à l’indépendance de l’assemblée ;

3° Compte à réclamer de la commission de l’Hôtel-de-Ville sur les dépenses faites depuis son installation, et spécialement sur l’impôt des 45 centimes, dont elle avait frappé la propriété foncière.

Ces recommandations se produisaient partout, et, pour capter les suffrages des électeurs, il fallait s’engager à les observer fidèlement. Elles n’étaient que trop légitimes. Pendant son règne de quatre mois, le parti révolutionnaire avait jeté la France dans un affreux chaos ; il avait systématiquement livré Paris aux fureurs et aux extravagances des démagogues dirigés par Barbès, Blanqui et Sobrier ; il avait déclaré la guerre à ceux qu’on nommait les riches ; il avait donné l’exemple de la violation des contrats en pratiquant effrontément la banqueroute à l’égard des détenteurs des bons du trésor et des déposans des caisses d’épargne ; il avait, au mépris de droits incontestables, porté atteinte