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commencée par un fou, Masaniello, elle se termina par un lâche voleur, Gennaro Annese. Quant à sa voisine, la révolution sicilienne, il y avait déjà long-temps qu’elle n’était plus.

Nul doute que l’issue de ce soulèvement n’eût été tout autre, s’il avait pris un cours plus régulier. Jusqu’à l’avènement de Gennaro Annese tant que le peuple ne se fut pas décidément séparé de la bourgeoisie et de la noblesse, il y eut des chances à peu près certaines de succès ; la proclamation de la république, en consacrant la domination des Lazares, perdit tout. À l’arrivée du duc de Guise, il était peut-être encore temps de réparer le mal, si ce prince avait eu plus de ressources, et surtout s’il avait été aussi politique que brave. Il ne se crut jamais assez fort pour se débarrasser de Gennaro Annese et de ses pareils ; c’est par eux qu’il périt doublement, d’abord parce qu’ils empêchèrent tout rapprochement entre lui et la saine partie de la nation, ensuite parce qu’après l’avoir isolé, ils le trahirent. Avec plus de prévoyance et d’habileté, il aurait peut-être conjuré ces dangers, réuni toutes les classes dans une seule pensée de salut, et fondé à Naples une monarchie ; mais il était dans la destinée de la maison de Guise de toucher aux couronnes sans les saisir. Rien n’est possible par le peuple seul, comme rien n’est possible contre lui ; élément nécessaire, mais subordonné, il a besoin d’être guidé pour se bien conduire dans son propre intérêt, et quiconque, de gré ou de force, cherche uniquement en lui son point d’appui est sûr d’une chute soudaine.

M. le duc de Rivas a raconté cette histoire, qui ressemble à un roman, dans un style toujours élégant et pur, et avec cet art des anciens historiens qui consiste à disposer habilement toutes les parties d’un sujet. Si l’on cherchait un modèle à lui comparer, on pourrait dire que sa manière a beaucoup de rapports avec celle de Saint-Réal dans ses Conjurations, ou de Voltaire dans son Charles XII ; c’est la même narration agréable, claire, facile, rapide ; on ne peut lui reprocher qu’une extrême indulgence, bien naturelle du reste, pour ses compatriotes les Espagnols. Il est bien à désirer que son livre soit beaucoup lu, surtout par les Italiens ; tout le monde y trouvera des leçons, mais nulle part il ne peut faire plus d’effet qu’à Naples même, où il a été écrit. Naples a été sur le point, cette année, de faire encore une révolution, et qui sait ? d’établir peut-être la république. Il est bon de lui remettre sous les yeux le sort de la première, afin que l’expérience du passé serve au présent. Quant aux autres états italiens, ils ne sont malheureusement plus, pour la plupart du moins, à la veille d’une révolution irréfléchie, mais au lendemain, et ils connaissent déjà par eux-mêmes les désappointemens amers que ces sortes de lendemains amènent. Ils pourront relire leur propre histoire dans celle des Lazares de 1647 ; si,