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une des filles d’honneur de la reine Anne d’Autriche, Mlle de Pons dont il était éperduement, amoureux. Célèbre par ses duels, ses galanteries, la singularité de sa vie romanesque, entreprenant et téméraire à l’excès, il avait avidement accueilli la première idée d’une nouvelle aventure à courir. Par un de ces courans subits et irrésistibles qui se déclarent souvent dans les masses populaires, les Lazares se prononcèrent pour lui par acclamation ; Gennaro Annese, qui était déjà devenu impopulaire, n’osa pas s’y opposer.

Un député du peuple, nommé Nicolo Maria Mannara, fut donc envoyé à Rome auprès du duc de Guise, pour lui offrir le gouvernement de la république. Le marquis de Fontenay, ambassadeur de France à Rome, fit bien quelque difficulté pour laisser compromettre son gouvernement dans cette entreprise, mais l’impétuosité du duc de Guise l’entraîna. Il fut décidé que, pour concilier le haut rang du nouveau capitaine-général avec la forme de gouvernement adoptée à Naples, on donnerait à cette république de pêcheurs le nom assez bizarre de république royale. C’est sous ce titre que le marquis de Fontenay consentit à écrire aux chefs du mouvement, pour leur annoncer le prochain départ du prince. Quand Mannara, porteur de cette lettre, arriva à Naples, il trouva cette ville plus agitée et plus tumultueuse que jamais ; le peuple affamé se réunissait sur les places, en criant qu’il fallait massacrer Gennaro Annese, et, puisque le secours de la France n’arrivait pas, se réconcilier avec l’Espagne ; mais, quand Mannara fit voir la suscription de la lettre du marquis de Fontenay, qui donnait à la république le nom de république royale, toute cette foule fut transportée d’orgueil et de joie. « Cela causa un changement si soudain, dit le comte de Modène, parmi ces esprits qui flottaient entre la crainte et l’espérance, que, dans un moment, le marché fut rempli d’hommes qui se mirent tous à crier que, puisque le roi très chrétien les honorait d’un si beau titre, il fallait périr mille fois plutôt que de le laisser perdre. »

Voilà, il faut en convenir, de singuliers républicains ; mais il en a été ainsi, jusqu’ici du moins, de toutes les républiques exclusivement démocratiques et populaires. Le peuple proprement dit s’est toujours senti très peu fait pour le gouvernement : il a pu jouir avec ivresse, dans le premier moment, d’un pouvoir qu’il n’avait pas l’habitude d’exercer ; mais, de tout temps, comme il s’est trouvé beaucoup plus malheureux après qu’avant sa souveraineté, il a bien vite demande un maître. « Cette joie, continue M. de Modène, s’accrut bien plus encore par la lecture des lettres de Ï’ambassadeur et du duc de Guise, et par le compte que rendit Mannara de sa négociation, surtout quand il exagéra adroitement l’origine, les qualités et les richesses de ce prince et qu’il assura qu’il avait tenté plusieurs occasions pour donner des