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parvenu au faîte des grandeurs, et, ce qu’il estime à coup sûr davantage, libre de jouir, après tant de travaux, d’un repos au moins momentané, il ne pouvait pas oublier les chères habitudes de toute sa vie ; c’est à la muse plus grave de l’histoire qu’il a consacré ses années tranquilles.

« Le nom de Masaniello, dit-il lui-même dans l’avant-propos de son nouveau livre, fut un des premiers qui se présentèrent à mon imagination quand je mis le pied dans la charmante cité de Naples, théâtre du pouvoir formidable et passager de ce personnage extraordinaire. Je me proposai dès ce moment de le prendre pour sujet d’un article de revue, mais, quand je parcourus les rues et les places témoins de son audacieuse entreprise, de sa fortune si brillante et si fugitive, de ses horribles cruautés et de sa triste mort, quand je commençai à réunir des documens sur sa personne et ses actions, je compris qu’un pareil sujet exigeait un plus large cadre, et je me décidai à écrire l’histoire complète de sa domination. De plus, comme cette histoire elle-même ne peut être bien comprise sans tenir compte de l’état du royaume de Naples sous le gouvernement des vice-rois espagnols et particulièrement sous celui du duc d’Arcos, comme d’un autre côté le soulèvement, loin de se terminer à la mort si prompte de Masaniello, ne fit que prendre plus de gravité, je sentis que, pour donner une idée exacte et tout-à-fait satisfaisante de cette révolution, il était indispensable d’en embrasser le cours entier. Je fis donc de nouvelles recherches, je réunis plus de documens, j’examinai de curieux manuscrits, je lus tous les auteurs qui traitent du même sujet, et j’en conférai soigneusement avec les érudits du pays. »

C’est ainsi qu’est née cette étude historique dont la composition a été l’occupation favorite de l’écrivain ambassadeur. En effet, pour un homme d’imagination comme M. le duc de Rivas, il est bien difficile d’habiter Naples sans songer souvent au soulèvement de 1647. Errez-vous en promeneur solitaire le long du port et sur le mole ? vous voyez partout la foule des mariniers, vêtus seulement de la chemise et du caleçon traditionnels, qui s’agitent avec des cris, des gestes ardens, dans un tumulte perpétuel, et qui semblent toujours prêts pour la révolte, comme les flots innombrables de la mer se soulèvent au premier vent. Allez-vous dans les marchés, dans les rues, dans les places publiques ? vous y reconnaissez ces monceaux de fruits qui servent presque uniquement aujourd’hui, comme au XVIIe siècle, de nourriture à ce peuple immense, et vous comprenez sans peine qu’un impôt sur les fruits ait pu devenir l’origine d’une révolution. Visitez-vous les monumens, les tours, les châteaux-forts ? partout vous rencontrez les traces du duc d’Arcos, de Masaniello, de Gennaro Annese, de tous les personnages de ce drame. Sortez-vous de Naples et voulez-vous parcourir les environs ?