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a été un bienfait immens pour la population ; mais cela prouve avant tout que le gouvernement européen a su tirer parti des institutions du pays que les gouvernemens indigènes, absolus et égoïstes par leur essence, n’ont respectées que dans les plus étroites limites compatibles avec leurs intérêts.

En principe tous les Javanais sont égaux devant le souverain, c’est-à-dire qu’il est le maître absolu de leurs personnes et de leurs biens, que toute dignité, toute importance sociale, tout honneur émane de lui, et de lui seul, et qu’il peut donner ce qu’il lui plaît, et reprendre ce qu’il a donné au premier comme au dernier de ses sujets. Il n’est qu’une autorité que le Javanais reconnaisse comme supérieure à celle du souverain, c’est l’autorité de l’adat, devant laquelle le despote lui-même doit s’incliner, et qu’il peut éluder parfois, mais qu’il n’oserait enfreindre ouvertement. Le souverain étant l’unique source des distractions, les titres et dignités conférés par lui seul constituent autour de son trône une véritable noblesse, qui n’est pas héréditaire de droit, mais qui l’est devenue de fait, par suite du profond respect, de la considération traditionnelle que les Javanais professent pour l’ancienneté des familles et pour les souvenirs glorieux qui relèvent cette illustration du temps. Les princes du sang royal portent le titre de panguerang[1]. Après eux vient la noblesse, ayant en tête le radhen-adipati[2] ou ministre dirigeant[3]. Adipati est le titre le plus élevé après celui de régent ; viennent ensuite les tommonggongs, les ingabeys, etc. Ces titres sont rehaussés encore, dans de certains cas, par l’addition des mots kiahi, maas, radin, qui les précèdent. Ainsi l’on dit : Radin-adipati, radin-tommonggong, maas-tommonggong. Il faut distinguer de ces titres, qui s’attachent à la naissance, ceux qui désignent plus particulièrement les fonctions ; ainsi les gouverneurs de province portent en général le titre de bopati, leurs lieutenans celui de patie ou pati, les autres fonctionnaires publics celui de mantri. Le juge, prêtre mahométan qui décide de la nature des délits et des peines à infliger selon le Koran, est désigné par le titre de panghoulou ; l’assesseur remplissant les fonctions de procureur royal, et appelé surtout à résoudre questions qui relèvent de l’adat, des anciens usages, des coutumes

  1. Le prince héréditaire prend celui de panguerang-adipati.
  2. Ou râdin-adipati. Râ, sang ; adi, excellent, exquis.
  3. Le ministre ou wizier, considéré comme chef suprême de la justice ou premier magistrat, est désigné par le titre de parentah. Ce mot exprime en javanais d’une manière collective les idées qui se rattachent chez nous aux mots ordre public, gouvernement, magistrature. À Solo, le râdin-adipati préside la haute cour, ont le siége est dans la capitale et décide en outre un grand nombre d’affaires au dehors. Les chefs de dessas n’ont qu’une juridiction analogue à celle de nos juges de paix.