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herbe) à cause des riches et gras pâturages qui l’environnent. M Coulter, souffrant d’un rhumatisme gagné sur le pont du Stratford, accepte avec empressement l’hospitalité que lui offre un prêtre de la mission. Le capitaine lui laisse une abondante provision de poudre, de balles et de plomb, et lui donne rendez-vous dans trois mois à l’île de Tahiti. Le premier soin du docteur, comme on pense, est de se guérir de son rhumatisme, et pour cela il emploie le remède aussi énergique qu’efficace des anciens Aztèques, qui consiste en un bain de vapeur pris dans une espèce de four à air chaud appelé temascal ou termascal[1].

Le pays, d’ailleurs, ou une gracieuse hospitalité a été offerte au docteur Coulter, est des mieux choisis pour occuper agréablement les loisirs de sa convalescence, et maintenant qu’il n’est bruit partout que des mines d’or récemment découvertes dans les riches terrains du Rio. Sacramento, non loin de San-Francisco, les renseignemens recueillis sur cette partie si curieuse des côtes du Mexique doublent, en quelque sorte, de valeur. Avant d’être célèbre par ses richesses métalliques, la côte de Californie ne devait pas un renom moins légitime à ses ressources agricoles, développées par l’intelligente activité des missionnaires. Cinq missions entourent la baie de San-Francisco : ce sont celles de Dolores, de Santa-Clara, de San-José, de San-Francisco et de San-Rafael. On désigne par ce mot de mission d’immenses bâtimens disposés pour la vie en commun, c’est-à-dire que, dans la même enceinte, on a construit une rangée de cellules percées chacune d’une porte et d’une fenêtre, et précédées, suivant l’usage des pays chauds, d’un petit péristyle supporté par des poteaux. Ces cellules sont assez nombreuses pour contenir de mille à seize cents familles. On compte dans ces cinq missions à peu près quinze mille Indiens et deux ou trois cents blancs.

L’élève du bétail a produit dans les missions du Mexique des résultats considérables. Les chevaux et les bœufs y abondent. Un de ces animaux ne vaut d’ordinaire que 5 où six piastres (25 où 30 francs) ; quant aux moutons, le prix habituel est une demi-piastre (2 fr. 50 c.). Il a fallu, pour asseoir sur des bases solides une telle prospérité, tout le dévouement, toute l’héroïque fermeté des pères jésuites, les premiers fondateurs de ces établissemens. Dans la première période de la fondation, un modeste enclos, une maison plus modeste encore, une humble chapelle, suffisaient aux missionnaires. Les tribus sauvages qui habitaient ou chassaient dans le voisinage avaient souvent ravage les établissemens naissans. Les jésuites ne se décourageaient pas ; ils continuaient, l’orage une fois passé, le cours de leurs prédications apostoliques

  1. C’est une hutte construite en osier, terminée en cône et recouverte d’une épaisse couche d’argile. Pour l’observer en passant, ce mot temascal ou termascal n’est pas le seul de la langue indo-mexicaine qui ait une étymologie grecque ; on retrouve encore une étymologie semblable dans le mot teocali (maison de Dieu, temple).