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socialisme du xixe siècle est plus haute. Il est né d’un sentiment vif et profond du morcellement actuel de la société ; il s’appuie sur deux grandes idées qu’on doit recueillir et respecter sous les absurdes chimères qui les voilent et les folies brutales qui les déshonorent, je veux dire l’esprit d’association fraternelle chez les particuliers, et la charité dans l’état.


II.


Si j’ai réussi à indiquer les causes réelles, sérieuses, profondes, qui ont fait naître et vivre le socialisme, on ne s’étonnera plus qu’il ait pris dans ces dernières années de si formidables accroissemens. Plus d’un esprit éclairé, qui ne veut voir que le côté violent et brutal de ces utopies, croit en expliquer assez l’apparition par ce bouillonnement universel qui accompagne toute grande révolution, religieuse ou politique. C’est prendre l’effet pour la cause. La preuve très simple que le socialisme n’est pas sorti de la révolution de février, c’est qu’il l’a faite. Voulez-vous un signe évident que les causes politiques qui ont concouru à la chute de la monarchie n’ont été que secondaires, et que, tout en paraissant avec grand bruit à la surface, elles cachaient au fond des causes plus réelles ? c’est que, le lendemain de la révolution de février, le socialisme était au pouvoir. À côté de lui se sont rencontrées, je le sais, et le pays s’en souvient, d’autres influences qui ont lutté noblement pour le maintien de l’ordre social ; mais enfin, quiconque a observé de près les événemens, au lendemain de février, sait assez que le socialisme était le maître des affaires. Cet ouvrier qui envahissait brusquement la salle des délibérations du gouvernement provisoire, et qui, le fusil à la main, les habits déchirés et noircis, le visage enflammé, venait demander d’un accent impérieux la création d’un ministère du travail, cet ouvrier, c’était la révolution elle-même prenant un corps et une voix.

Que la crise de février doive son origine et son caractère à une agitation sociale plutôt qu’à un mouvement politique, cela ne fait guère question ; mais c’en est une de savoir si la sagesse des hommes politiques était capable de prévenir l’explosion. Je suis fermement convaincu qu’elle le pouvait.

Il ne saurait être du goût d’aucun homme d’un peu de sens, et qui respecte, de déclamer aujourd’hui contre la monarchie tombée. Les incrédules savent à leurs dépens la différence qu’il faut faire entre ce qu’un gouvernement promet et ce qu’il tient, et qu’on n’a pas guéri les maux d’une société pour posséder à son service un ample trésor de mots pompeux, en y ajoutant même, si l’on veut, un grand fonds de bonne volonté. Pourtant une chose qu’il est bien permis de dire