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cision. La révolution de février avait eu, comme on sait, son général du peuple ; l’abbé du peuple, ce sera pour sûr M. Fayet. Cette pitoyable captation d’une fausse popularité n’est nulle part plus choquante que sous la robe du prêtre et l’on a beau jouer à la légèreté gasconne, on ne cache pas le fond.

Si l’assemblée n’était pas en réalité mal disposée contre le ministère, il pouvait être adroit de le donner à penser, et il y avait peut-être moyen d’aller de cette apparente contradiction, soulevée par la question du sel, à un conflit plus direct et plus décisif. De là, dans la séance du 4 janvier, l’assaut livré par M. Repellin et surtout par M. Dupont de Bussac au sujet du retrait de la loi d’enseignement présentée par M. Carnot et de la nomination des deux comités d’instruction primaire et secondaire, motivée par les rapports de M. de Falloux. M. Odilon Barrot avait réclamé très énergiquement et gagné pour le pouvoir exécutif le droit de retirer les projets de loi d’une administration précédente. M. Dupont de Bussac n’en disputait pas moins à M. de Falloux le droit de nommer une commission en concurrence avec celle de l’assemblée. Il y allait d’une question de prérogative parlementaire, et la question se compliquait d’autant plus que le ministre ne cachait point qu’il préjugeait à l’avance une dissolution plus ou moins prochaine de la constituante. Le terrain était donc bien choisi pour émouvoir des susceptibilités chatouilleuses : une majorité de 140 voix en faveur du ministère accusé a déjoué les plans des adroits tacticiens : l’assemblée n’a pas voulu croire qu’on lui manquât de respect pour s’être permis d’envisager sa fin.

Vinrent alors des tentatives plus embarrassantes sur un champ plus difficile, incidens sur incidens. M. de Maleville s’était cru obligé, par une lettre de M. Germain Sarrut, à protester énergiquement contre des insinuations qui cependant n’étaient pas faites pour l’atteindre. M. Sarrut semblait lui réclamer des papiers qui devaient être ceux dont il avait différé la communication au président (car c’est là le mystère de la dernière aventure, indé mali labes), les papiers d’une conspiration dont nous ne savons plus le numéro, car M. Germain Sarrut a daigné nous apprendre qu’il avait eu cent quatorze procès. Faites donc des législateurs avec des gens qui ont témoigné et qui témoignent encore d’une si profonde vénération pour la loi ! M. de Maleville n’avait pas besoin de prouver que ces papiers étaient en lieu sûr, il le prouva ; mais alors voici le même M. Dupont, déjà nommé, qui se présente pour un autre prix. Le prix à remporter n’est plus, cette fois, de brouiller le ministère avec l’assemblée ; le prix bien plus cher pour un républicain si correct, c’est d’enlever d’assaut la prédilection personnelle du président, en lui montrant combien on est chaud sur ses intérêts, en se déclarant publiquement plus royaliste que le roi. Le scandale que l’on avait soigneusement couvé va donc enfin éclater ; les flatteurs qui viennent si vite dans les antichambres de la république, comme le disait M. de Maleville, les officieux qui rendent des services aux puissances par amitié pure, vont donc enfin triompher ! Comment un ministre a-t-il pu refuser une communication quelconque au président ? Enflons la voix et sonnons la trompette ! comment « a-t-on interdit au président de la république le droit de lire dans l’histoire du passé ? » Il n’y a qu’un malheur à ce beau discours, c’est qu’on n’avait rien refusé du tout. À qui savait enfin s’abstenir, on n’avait plus rien à céder. L’assemblée a compris et voté l’ordre du jour sans opposition. M. Dupont de Bussac a manqué son prix.