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Au nid où l’amour s’éternise
Un soir de mai se sont posés.

Marbre, perle, rose, colombe,
Tout se dissout, tout se détruit ;
La perle fond, le marbre tombe,
La fleur se fane, et l’oiseau fuit.

En se quittant, chaque parcelle
S’en va dans le creuset profond
Grossir la pâte universelle
Faite des formes que Dieu fond.

Par de lentes métamorphoses,
Les marbres blancs en blanches chairs ;
Les fleurs roses en lèvres roses
Se refont dans des corps divers.

Les ramiers de nouveau roucoulent
Au cœur de deux jeunes amans,
Et les perles en dents se moulent
Pour l’écrin des rires charmans.

De là naissent ces sympathies
Aux impérieuses douceurs,
Par qui les ames averties
Partout se reconnaissent sœurs.

Docile à l’appel d’un arome,
D’un rayon ou d’une couleur,
L’atome vole vers l’atome
Comme l’abeille vers la fleur.

L’on se souvient des rêveries
Sur le fronton ou dans la mer,
Des conversations fleuries
Près de la fontaine au flot clair,

Des baisers et des frissons d’ailes,
Sur Saint-Marc aux coupoles d’or,
Et les molécules fidèles
Se cherchent et s’aiment encor.

L’Amour oublié se réveille,
Le passé vaguement renaît ;