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Aussi le premier soin d’un homme qui se marie est d’enfermer sa femme dans sa demeure, avec défense de prendre aucune espèce d’exercice. Par cette méthode d’engraissement, on parvient à donner au beau sexe du pays des attraits réellement monstrueux.

La ville d’Aboh réunit de sept à huit mille habitans. C’est un assemblage de huttes élevées çà et là au fond d’une crique, sans aucune symétrie. Ces huttes sont construites en terre et couvertes d’un toit formé de feuilles sèches et de joncs qui croissent en abondance sur les bords de la rivière. On y entre par une ouverture qui sert à la fois de porte, de fenêtre et de cheminée. Cette ouverture est souvent fort basse et l’on ne peut la franchir qu’en se traînant sur les mains et sur les genoux. Il est même assez plaisant de voir les majestés africaines se traîner à quatre pattes hors de leur demeure pour donner audience aux Européens. Aboh a quelque chose de commun avec Venise : ce n’est pas les édifices sans doute, mais les lagunes qui, à l’époque de la crue du fleuve, font de chaque habitation une île d’où l’on ne peut sortir, et où l’on ne peut entrer qu’en bateau. L’insalubrité de cette situation se fait sentir même aux indigènes, et les maladies font de grands ravages dans la ville, lorsque les eaux se retirent.

En atteignant le sommet de la hauteur où est située la ville d’Iddah, les voyageurs de la dernière expédition jouirent de la vue d’un magnifique panorama. À leur droite était placée la cité musulmane avec ses groupes de maisons jetées irrégulièrement sur les flancs de la colline ; à leur gauche se déroulait, comme un ruban argenté, le fleuve, éclairé par les rayons de la lune, s’étendant à perte de vue de ce côté de l’horizon. En face d’eux, sur l’autre rive, s’offrait une riche contrée coupée de plaines et de collines, présentant l’aspect de la plus vigoureuse végétation, et se perdant graduellement dans un cadre de hautes chaînes de montagnes. Cette belle situation de la ville n’est pas sans influence sur les habitans, et on remarque ici une amélioration sensible dans les caractères physiques et moraux de la population. La race est plus belle et plus intelligente ; l’industrie est plus développée, l’agriculture mieux entendue.

Le nombre des habitans d’Iddah s’élève à dix mille environ. La ville est composée de plus de deux mille maisons où cases, dont les murs sont bâtis en pierres cimentées avec de l’argile. Ces constructions sont de forme ronde, couvertes d’un toit conique, au sommet duquel perchent les vautours, épiant, dans un état de somnolence causée par l’excès de nourriture, les débris d’animaux et de végétaux qui proviennent des repas des habitans. La demeure des gens riches et des chefs est formée d’un certain nombre de ces huttes, élevées sans régularité sur un terrain enclos de murailles. Dans l’espace laissé libre entre les cases, les