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Le Niger occupe la première place sur cette scène. Il y forme un immense triangle dont le sommet, tourné au nord, est marqué par la ville de Tombouctou, dont les deux faces regardent l’ouest et l’est, et qui a sa base au sud, dans la Guinée septentrionale, à l’endroit où le consent africain se rétrécit et commence à s’amincir graduellement jusqu’à la pointe extrême du cap de Bonne-Espérance. Il parcourt ainsi un espace qu’on évalue à plus de huit cents lieues. Les indigènes lui donnent deux noms : ceux de Joliba et de Kouarra. Le Joliba coule au nord-est jusqu’à Tombouctou, puis le fleuve incline brusquement vers le sud, et, sous le nom de Kouarra, il commence un nouveau cours qui se termine dans la mer. Durant la saison des pluies, le Niger, comme les autres rivières connues de l’Afrique, a des crues considérables. Il déborde alors et il se répand au loin, inondant les villes et les campagnes, et traînant avec ses eaux des arbres entiers, des cadavres d’animaux et des débris de toute sorte. Quand les pluies s’arrêtent, le Niger rentre dans son lit, et il baisse si rapidement, qu’en moins de quelques semaines il cesse d’être navigable pour les bâtimens tirant plus de trois pieds d’eau.

Telles étaient les observations dont la science s’était enrichie par les efforts de l’association anglaise, quand elle interrompit ses recherches. Les voyages ultérieurs furent entrepris, soit par suite de spéculations, soit par les ordres directs du gouvernement britannique. Les plus importans eurent lieu, non par terre, mais sur le lit même du fleuve, en en remontant le cours par l’embouchure du Rio-Noun. Avant d’y arriver, nous avons une dernière remarque à faire au sujet des explorations précédentes. Ceux qui les ont entreprises en ont été victimes, à bien peu d’exceptions près. Il n’entre pas dans notre pensée de diminuer la gloire qu’ils ont achetée si cher et acquis si justement. Nous devons dire pourtant que plusieurs d’entre eux auraient pu éviter leur funeste sort. Leur tort est d’avoir apporté en Afrique des idées trop européennes et de n’avoir point étudié assez à fond l’espèce de civilisation d’un peuple qu’ils étaient trop habitués à considérer comme n’en ayant aucune. Quelques-uns d’entre eux y ont ajouté l’oubli des précautions matérielles les plus vulgaires. Au nombre de ces derniers, il faut citer l’illustre Mungo-Park lui-même, qui commence avec la saison des pluies. Son second voyage dans un pays où l’on doit s’attendre à passer des jours et des nuits sans rencontrer aucun abri. En de telles conditions, des Européens auraient succombé même en Europe. Il n’est pas étonnant que Mungo-Park ait laissé morts sur sa route la plupart de ses compagnons. Lui-même ; et le plus infatigable de ses successeurs, Chapperton, ont péri, sacrifiés aux ombrages de la politique africaine, qu’ils n’auraient pas dû mépriser. Le capitaine Clapperton a été probablement empoisonné par le sultan Bello, chef des Fellatahs, parce