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et de flèches. Vainement essayèrent-ils de se défendre, le nombre l’emporta. Après un long combat, ils se jetèrent dans le fleuve, espérant échapper à leurs ennemis ; mais on ne les revit plus. Le Niger servit ainsi de tombeau à celui qui l’avait découvert.

Pendant plusieurs années, on ignora en Europe ce fatal événement. Des intérêts plus immédiats absorbaient l’attention du monde. L’empereur Napoléon remplissait l’Europe du bruit de son génie, et il achevait, à cette époque, de fonder, malgré des ennemis coalisés, un grand empire trop éphémère. L’Angleterre, frappée dans son commerce, arrêtée dans l’exécution de ses projets de prépondérance sur le monde entier, épuisait ses trésors et employait toutes ses forces dans la lutte qu’elle avait entreprise contre l’empire français, et qu’elle soutenait par la diplomatie et par les armes. Mungo-Park fut oublié un moment. Soldat intrépide de la science, mort sur le terrain des conquêtes pacifiques, il attendit, pendant cinq années, la couronne qui était due à sa mémoire. Ce ne fut qu’en 1810 que le colonel Maxwell, alors gouverneur de la colonie du Sénégal, enlevée à la France, envoya un Africain, ancien guide de Mungo-Park, à la recherche de ce voyageur. Au retour de cet homme, on apprit la triste vérité.

Des années s’écoulèrent pendant lesquelles aucun Européen ne revit le Niger. En 1822, MM. Clapperton, Oudney et Denham partirent de Tripoli, désert, et arrivèrent dans le royaume de Bornou, au centre du Soudan. Là, Clapperton, se séparant de ses compagnons, fit route à l’ouest. Il arriva ainsi à Saccatou. Cette grande ville était le siége du puissant empire fondé par le musulman Danfodio, chef des Fellatahs, et continué par Bello, son successeur. Saccatou, située au nord-est de Boussa, où Mungo-Park avait péri quinze ans auparavant, est voisine du Niger. Le fleuve passe à l’ouest de cette ville, courant dans la direction de Boussa. Dans un second voyage entreprise en 1825 et terminé par la mort du voyageur, Clapperton passa lui-même à Boussa. Il se convainquit par ses yeux, non-seulement que le Niger coulait au pied de cette ville, mais que c’était bien en cet endroit que Mungo-Park, embarqué sur le fleuve à plusieurs centaines de lieues plus haut, avait péri avec ses derniers compagnons.

Désormais la route qui devait conduire à l’embouchure du Niger était indiquée clairement. Puisque Mungo-Park avait exploré le fleuve jusqu’à Boussa, puisqu’il était constaté par conséquent que le cours d’eau passant à Boussa était bien le Niger, il n’y avait plus qu’à descendre le lit de cette rivière à partir de Boussa pour trouver le lieu où elle finissait. Le difficile était d’obtenir un passage à travers les royaumes riverains. Les institutions commerciales en vigueur parmi les peuplades qui bordent le Niger opposaient de grands obstacles au succès d’une telle entreprise Richard Lander et son frère John eurent néanmoins le