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des plus vigoureuses et des plus variées. C’est là qu’était situé le Niger. Coulait-il à l’orient ou à l’occident ? On l’ignorait. Où prenait il sa source ? où versait-il ses eaux ? Nul ne le savait. On avait seulement recueilli de la bouche de quelques Arabes des renseignemens peu précis d’où l’on était porté à conclure qu’il avait son cours de l’ouest à l’est. S’il prenait réellement cette direction, on ne pouvait manquer, en abordant par le nord, c’est-à-dire par le désert du Sahara, le pays qu’il arrose, d’arriver sur ses bords. Ces notions déterminèrent la route que suivirent vainement les deux premiers voyageurs de l’association anglaise, Ledyard et Lucas.

Au milieu de l’océan de sable s’avance, comme un promontoire fertile, le Fezzan, au sud de Tripoli. C’est par le Fezzan que les deux explorateurs devaient essayer de pénétrer dans le Soudan. Ni l’un ni l’autre ne réussirent à atteindre même le rivage méridional de la mer de sable qu’ils avaient à franchir. Ledyard mourut au Caire ; Lucas n’alla pas plus loin que Mourzouk, capitale du Fezzan. Pendant son séjour dans cette ville, il recueillit des renseignemens qui furent utiles à ses successeurs : le plus important, c’est que le Niger, au lieu de couler vers l’orient, se dirigeait vers l’ouest.

Dès-lors, les plans de l’association devaient nécessairement changer. Il y avait plus de chances de rencontrer le Niger dans les contrées qui bordent, à l’occident de l’Afrique, l’Océan Atlantique. C’est le chemin que prit le major Houghton en 1791. Il traversa la Sénégambie. Arrivé au Bambouck, il se dirigeait vers Tombouctou, où il aurait trouvé le fleuve, objet de ses recherches, lorsqu’il fut attaqué et tué par ses guides, qu’avait tentés la quantité de marchandises dont il était muni. Sa triste fin ne fit qu’aiguillonner l’ardeur aventureuse d’un nouveau voyageur. Mungo-Park vint offrir ses services à l’association. Il était réservé à ce célèbre Écossais de constater, le premier dans les temps modernes, l’existence et la position du Niger, et cette découverte, il devait la payer de sa vie.

Mungo-Park, comme son prédécesseur, aborda le Soudan par l’ouest du continent africain. Le 21 juin 1795, il arriva à Jillifrée, sur la rive septentrionale de la Gambie. Le 2 décembre suivant, il partit de Jillifree pour s’avancer dans l’intérieur, en compagnie de six personnes : deux esclaves noirs, dont la fidélité ne se démentit pas un seul instant ; deux marchands d’esclaves ; deux nègres libres, qui retournaient dans leur pays natal. Les nègres allaient à pied, chassant devant eux les ânes charges des fardeaux. Mungo-Park montait un petit cheval du pays ; son bagage se composait de provisions pour deux jours, de grains de verre, d’ambre, de tabac, de quelques habits, d’un parapluie, un sextant de poche, d’une boussole, d’un thermomètre, de deux paires de pistolets et de deux fusils.