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les accidens de la petite guerre qui se continua pendant quelques mois au sein des vallées tyroliennes. Un des combats les plus importans fut celui qui amena la bande des docteurs Taddei et Martinoli à occuper les plateaux élevés du Montocio (Mont de l’Œil). C’est le docteur Taddei qui en conçut le plan. Un corps nombreux de chasseurs du Tyrol autrichien étaient prêts à descendre dans le Tonale du côté de la vallée d’Ulter. M. Taddei confia deux cents hommes à son ami, le docteur Martinoli, en l’engageant à prendre position sur le Montocio, qui, s’élevant au nord du Tyrol, dominait précisément les vallées menacées par l’invasion des chasseurs autrichiens. Le docteur Martinoli se rendit au poste qui lui était indiqué. Il y était depuis quelques jours à peine, lorsque ses vedettes l’avertirent de l’approche de cinq cents chasseurs ennemis. Cette nouvelle n’inquiéta nullement le docteur, qui avait mis à profit les quelques jours passés sur le Montocio pour organiser un système de défense digne des temps homériques. Par ses ordres, d’énormes quartiers de granit avaient été réunis en plusieurs tas, et dix hommes avaient été placés auprès de chaque tas avec mission de faire pleuvoir, au premier signal, ces redoutables projectiles sur les assaillans. Le moment d’exécuter cette manœuvre arriva bientôt, et l’expédient du docteur eut un plein succès. Les quartiers de rocher, roulant sur les pentes de la montagne, culbutèrent les soldats autrichiens et mirent le désordre dans tous les rangs. Profitant du retard que cette surprise avait causé dans la marche des Autrichiens, le docteur et ses montagnards purent atteindre une position des plus favorables à un combat de tirailleurs ; sur la limite même où toute végétation cesse, près des plus hauts sommets de la montagne, quelques bouquets d’arbustes leur offraient un abri derrière lequel ils pouvaient attendre avec confiance le choc de l’ennemi. Quand celui-ci revint à la charge, il fut chaudement reçu par les carabines de ces chasseurs, habitués à tirer le chamois en dépit de sa course et de ses bonds agiles. Ce feu meurtrier déconcerta les Autrichiens, qui prirent la fuite, et laissèrent aux vaillans compagnons du docteur Martinoli la libre possession de la montagne.

Le Montocio offrit dès ce moment une sûre retraite à ce petit corps de volontaires. Tandis que M. Taddei gardait le Tonale, M. Martinoli se réserva la défense du Mont de l’Œil. Sur cette montagne, comme sur la plupart des Alpes, de vertes prairies s’étendent entre les cimes rocheuses, et derrière les pentes les plus arides se déroulent les richesses ignorées d’une végétation luxuriante. Au milieu de ces plaines cachées dans les replis de la montagne serpentent avec un doux murmure des sources qui plus loin se transforment en torrens et en cascades bruyantes. C’est dans une de ces oasis alpestres que les volontaires du docteur Martinoli se tinrent pendant deux mois après leur combat contre les chasseurs autrichiens. Durant ces deux mois, ils furent cinq fois atta-