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hommes qui, la veille, n’avaient pas songé un seul instant à se rendre et s’étaient jetés bravement au milieu des rangs ennemis, sentant que la route était ouverte derrière eux, ne prolongèrent pas le combat au-delà de trois heures, et s’élancèrent au hasard et en désordre dans les sentiers qui sillonnaient la montagne. Pendant ces trois heures, l’artillerie autrichienne décima la petite troupe, dont quelques débris seuls purent rejoindre le gros de l’armée. Le résultat de cette malheureuse expédition fut de donner raison en apparence aux chefs qui avaient entravé jusqu’alors toutes les opérations des volontaires. Ils pouvaient s’appuyer d’un tel exemple pour justifier toutes leurs lenteurs, et désormais la cause de la guerre énergique, de la guerre active, était perdue.

La mesure qu’on adopta après la funeste issue de l’expédition de Clés témoigna du triomphe complet de l’esprit de défiance et d’indécision qui avait présidé aux premières opérations de la guerre. Elle dépassa même de fort loin les prévisions de ceux qui croyaient bien connaître les dispositions du gouvernement provisoire de la Lombardie. Au moment où il eût fallu redoubler d’efforts, tenter un coup décisif en concentrant sur un seul point tous les corps imprudemment séparés, à ce moment, un ordre expédié de Milan enjoignit au général Allemandi de ramener ses volontaires à Brescia, pour les soumettre à une nouvelle organisation. Cette résolution est une de celles qu’on a le plus vivement reprochées au gouvernement provisoire. Ce qui est certain, malgré les nombreuses justifications présentées à ce sujet par les amis de ce gouvernement, c’est que le rappel des volontaires, après l’expédition de Clés, devait avoir pour le Tyrol les suites les plus funestes. Le Tyrol s’était prononcé hautement pour la patrie italienne : le drapeau tricolore flottait sur toutes ses montagnes ; des gouvernemens provisoires étaient installés dans la plupart de ses villages, plusieurs vallées étaient occupées par les montagnards armés ; Trente même, après avoir montré d’abord une inaction regrettable, avait envoyé des députés à Milan pour demander du secours. Le mouvement n’attendait, pour se continuer et réussir, que la présence des armées lombardes. Ces armées s’étaient montrées sur le seuil du territoire tyrolien, et les Alpes italiennes avaient retenti de cris d’allégresse. Maintenant on les retirait, on les éloignait après le premier revers. La consternation, le désespoir, se répandirent dans toutes les vallées avec la nouvelle de cette mesure. Les Autrichiens, redevenus les maîtres, déclarèrent Trente en état de siége ; les arrestations, les confiscations, les exécutions se succédèrent. Les bourgs, les villages, les chaumières, furent livrés au pillage, et le gouvernement qui abandonnait ainsi le Tyrol aux rigueurs d’un ennemi victorieux presque sans coup férir, ce gouvernement alléguait, pour motif à un acte si déplorable, la prétendue nécessité d’or-