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miss Seward. — Le sonnet ? — vous venez d’en lire la traduction en prose libre.

Je me suis donné une fête de ce genre, au mois de décembre 1848, avec les livres de M. Leigh Hunt, dont je vais vous entretenir : élégans volumes qu’on a plaisir à voir reluire sous la clarté de la lampe, dans leurs étuis dorés de cadeaux de Noël ; pages riantes comme les plus doux songes du passé, où, en hiver et en temps de révolution, il fait bon de s’oublier quelques heures ; feuilles gracieuses, consacrées les unes à l’imagination, les autres à la fantaisie, celles-ci à l’esprit, celles-là à l’humour, d’autres où est réuni le plus pur miel des poètes et que l’auteur compare avec raison à une jarre emplie au mont Hybla, d’autres encore où sont crayonnés à vol d’oiseau et au hasard des portraits d’hommes, des études de femmes, des impressions de lectures : tablettes bigarrées d’un flâneur curieux, alerte, infatigable, spirituel artiste, un peu maniéré comme quiconque a horreur du vulgaire, toujours amusé d’ailleurs, et qu’on suit, à son caprice, dans l’île de Prospero où dans un salon du XVIIIe siècle, dans un omnibus de Londres ou dans la forêt d’Oberon.

Ce serait rentrer dans la réalité d’où il m’a fait sortir que d’essayer de vous dire ce qu’est M. Leigh Hunt ; je serai donc sur ce point le plus bref qu’il me sera possible. Leigh Hunt est en Angleterre un des derniers survivans de la forte et éclatante génération littéraire du commencement de ce siècle ; son nom est lié aux noms les plus illustres de cette période : il fut l’ami de Byron, de Coleridge, de Shelley, et presque le parrain littéraire de Keats. Il escorta ce chœur de poètes en critique, en reviewer, en humourist, comme Hazlitt, comme son ami Charles Lamb, avec cet ardent amour des lettres, cette passion de l’art qui est la plus douce idolâtries. Voici donc de longues années que cet aimable esprit fait en littérature l’école buissonnière, répandant à fines doses son imagination, son goût, sa bonne humeur, ses élégances dans les revues, les journaux, les préfaces, les keepsake. Impossible, au reste, d’imaginer une nature plus propre à cet heureux métier de pourchasseur de chimères, d’affineur de belles idées et de belles paroles, de dilettante et d’amateur. Il y a en lui du sang créole et un rayon de ce soleil des tropiques qui verse dans les veines de la nonchalance et du feu. Aussi Leigh Hunt adore-t-il les beaux pays du soleil : l’Italie, la Sicile, la Grèce ; aussi, par ses aspirations et par ses voyages, est-il un digne citoyen de cette belle république poétique que j’appellerai méditerranéenne, qui fleurit depuis l’Iliade autour de la mer où ont erré Homère et Byron. Il y a des critiques hargneux et rageurs qui ne semblent chercher dans les lettres que des sujets de haineuses querelles et de pédantes colères ; Leigh Hunt, véritable humourist, n’est point de ceux-là Il ne fait pas de la littérature un chagrin,