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est particulièrement atteinte. En effet, lorsqu’au sein d’une nation riche collectivement, vous voyez le contraste de l’excessive opulence et de l’extrême misère, vous pouvez assurer que des monopoles perfides contrarient l’équitable et naturelle infiltration de la richesse acquise, de même que des barrages semés dans un terrain accidenté y empêchent le nivellement naturel des eaux. Qu’arrive-t-il alors ? C’est qu’à côté de certaines parties du corps frappées d’atrophie, parce que le capital vivifiant leur manque, l’argent, surabondant en certaines mains, s’y avilit même au détriment de ceux qui le possèdent. En Hollande, au siècle dernier, l’argent était offert a 2 pour 100, au milieu d’une population ouvrière que le désoeuvrement et la misère poussèrent plus d’une fois au désespoir. En de telles circonstances, un impôt frappé exclusivement sur les gros revenus aurait eu l’effet d’une saignée rétablissant la circulation dans les veines engorgées[1]. D’une part, la raréfaction de l’argent, par suite du sacrifice momentané imposé aux capitalistes, en eût relevé la valeur ; d’autre part, la restauration des finances publiques, la réouverture des ateliers, le soulagement des pauvres, eussent ramené une phase de confiance et d’activité, double chance de compensation offerte à la classe riche.

La situation de l’Angleterre n’est pas sans analogie avec celle de l’ancienne Hollande ; aussi, on dirait que l’income-tax y a été combiné de manière à produire les effets que nous venons de décrire. Introduit en 1797, modifié à plusieurs reprises, aboli en 1816, rétabli en 1842 pour trois ans seulement, mais prorogé récemment jusqu’en 1851, on s’attend à ce que l’impôt sur les revenus se classe définitivement dans le système de la fiscalité anglaise. Dans l’origine, le minimum de perception fut fixé à 60 livres sterling (1,500 francs) ; la cotisation était de 5 pour 100. Dans ces termes, la charge pouvait être excessive. Dans le système de 1842, l’income-tax est, à notre sens, un remède plutôt qu’un mal ; si nos voisins s’en plaignent souvent, c’est que le remède n’est jamais agréable au malade qui le subit, même pour son bien. La taxe n’atteint aujourd’hui que les revenus supérieurs à 150 livres sterling, soit 3,750 francs ; elle est fixée au maximum à 7 pence par livre de revenu net annuel, soit 2 francs 92 centimes pour 100 francs ; un dégrèvement est admis en faveur de l’industrie rurale. Le fisc poursuit la richesse partout où elle se trouve, sans s’informer de sa nature ; il frappe toutes les valeurs, et, au lieu d’excepter la terre, c’est sur elle qu’il s’appesantit, sans crainte de faire double emploi en atteignant le propriétaire rentier et le fermier spéculateur. Dans ces limites, le produit de l’income-tax a flotté depuis cinq ans entre 137 et 144 millions de francs. Voici les résultats du dernier exercice :

  1. Il ne s’agit ici que d’un expédient extrême : le remède naturel et d’un effet durable serait l’abolition des monopoles financiers.