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Loyer, détérioration du matériel, combustible 15
Salaires de commis ou d’ouvriers 30 à 35
Transports successifs 5
Profits des divers entrepreneurs et vendeurs 20 à 25

Ces points étant établis avec une probabilité suffisant, il reste à estimer la valeur totale des fabrications. M. Charles Dupin, dans une étude qui remonte à 1826, est arrivé à un total de 3 milliards 694 millions ; mais il a mentionné plusieurs opérations qui sortent du cadre de l’industrie proprement dite. M. Schnitzler, appliquant ses recherches à une époque plus récente, et limitant, ses calculs aux valeurs créées par la fabrication mécanique et manuelle, fournit le chiffre de 2 milliards 911 millions. Enfin, le gouvernement vient d’ajouter à sa collection de documens statistiques deux volumes consacrés à l’industrie. Cette première série comprend seulement les 43 départemens de la France orientale, et ne mentionne que les grands établissemens qui occupent au moins une dizaine d’ouvriers. D’après ce document, la région orientale renfermerait 20,567 établissemens payant en moyenne une patente d’un peu plus de 100 francs ; on y emploierait 725,909 ouvriers, savoir, 467,250 hommes, 170,918 femmes, et 87,741 enfans. La valeur des produits fabriqués serait de 2,282,789,586 francs. Si l’on doublait ce dernier chiffre pour la production de la France occidentale, et si l’on ajoutait un milliard (ce serait peu) pour le contingent d’environ 500,000 petits ateliers qui n’emploient pas de moteurs mécaniques et qui réunissent moins de 10 ouvriers, on exprimerait l’ensemble de notre production industrielle par un total approchant de 6 milliards ; mais ce chiffre serait suspect d’exagération pour deux causes. D’abord, les départemens où l’industrie domine sont plus nombreux dans la région déjà décrite, qui comprend la Flandre, l’Alsace, la Champagne, le Lyonnais. En second lieu, il y a dans le compte des matériaux et des marchandises fabriquées un vice fondamental, une aberration permanente qu’on a regret de signaler dans un document officiel. On a confondu le prix des matières premières et celui des matières fabriquées, de manière à grossir démesurément tous les résultats. Par exemple, si un imprimeur, pour créer 2,000 francs de livres, a employé pour 1,000 francs de papier, le statisticien du ministère, additionnant la valeur des livres avec celle du papier, annonce une fabrication de 3,000 francs. On obtient ainsi des totaux éblouissans, et les yeux qui ne vérifient pas s’émerveillent des progrès de notre industrie.

C’est entre le chiffre trop faible de. M. Schnitzler et les exagérations de la statistique officielle que se trouvera le point le plus approchant de la vérité. Voici, par aperçu, et en nombres arrondis approximativement, le tableau de la puissance productive de l’industrie française :