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C’est le retour plus triste que l’absence
Qui fait sentir tout ce qu’on a perdu.

Il fait sentir tout ce qui reste encore.
O mes amis ! pardonnez, près de vous
Je vaincrai mieux le regret qui dévore.
Oui, pardonnez, le retour sera doux.


J’ajouterai seulement quelques lignes au récit qu’on vient de lire et qui a présenté mes impressions et mes recherches jour par jour, dans l’ordre où se sont succédé les unes et les autres. Le retour fut entremêlé de travaux repris avec ardeur entre des intervalles de santé souvent assez longs et des rechutes successives qui amenèrent enfin une maladie grave. Heureusement j’eus le temps de voir tout ce que je voulais voir, d’accomplir tout ce que je devais faire. Je passai, encore une quinzaine de jours parmi les ruines de Thèbes, étudiant en détail ce qu’à mon premier passage j’avais embrassé dans l’ensemble. Tous les jours, monté sur mon âne et emportant avec moi une bouteille d’eau de gomme et un peu de riz, j’allais, à travers cette vaste plaine de Thèbes, d’un monument à un autre monument, c’est-à-dire d’un quartier de l’ancienne ville à l’autre. Pendant les premiers jours, je me crus tout-à-fait rétabli, mais la continuité de la fatigue dissipa bientôt ce mieux passager. La prudence alors eût conseillé le repos ; mais comment rester sur sa barque, tandis qu’à deux pas étaient Luxor et Karnac ? Quand le péril arrêta-t-il la passion ? La passion me soutint jusqu’au dernier jour ; mais, en disant adieu à Thèbes, je me mis au lit, heureux, de trouver un lit et un asile, grace à la manière dont on voyage sur le Nil, en emportant sa maison. Dès ce moment, je fus condamné à un repos absolu. Je n’en sortis que deux fois pour aller visiter les curieuses grottes d’El-Tell et les tombeaux de Beni-Hassan. Je ne pouvais renoncer à voir les premières, car elles contiennent des peintures d’un style tout particulier, d’un dessin beaucoup plus libre, plus vivant, plus expressif que le dessin égyptien ne l’est ordinairement. Les personnages qui s’inclinent devant le roi ont un air humble et obséquieux qui touche à la caricature, et ces grottes sont celles ou figurent des rois à poitrines de femmes adorant le soleil sous la forme d’un disque dont les rayons sont terminés par des mains. Je tenais extrêmement à visiter les grottes d’El-Tell, aucune description, aucun dessin même ne pouvant remplacer ici la vue immédiate des momens. En conséquence, bien bardé de cataplasmes, on me hissa sur un âne et je traversai ainsi la plaine poudreuse qui sépare les grottes du fleuve. À Beni-Hassan, il ne se trouvait point d’âne pour faire le trajet. Comme j’étais hors d’état de me tenir long-temps sur mes jambes, on m’assujettit sur