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l’Égypte est une contrée fertile, formée d’un noir limon, et que les régions qui l’entourent sont couvertes d’un sable brûlant. L’hiéroglyphe de l’eau est bleu. En effet, dans un pays on il n’y a pas de nuages, toutes les fois qu’elle est pure, l’eau réfléchit un ciel azuré. Le jaune est la couleur naturelle des signes qui se rapportent à la lumière. Cette couleur est quelquefois remplacée, dans ce cas, par le rouge ; ce qui se conçoit quand on a vu les teintes rougeâtres d’un ciel d’Égypte. Une fois j’ai trouvé que l’hiéroglyphe-soleil était blanc, au lieu d’être jaune ; or, la blancheur de la lumière m’avait souvent frappé dans les ciels de Nubie.

La couleur, comme la forme, peut servir à indiquer l’étymologie figurée de cette langue visible des hiéroglyphes qui parle aux yeux. Les exemples de ces explications du sens d’un signe par sa couleur seraient difficiles à saisir sans le secours de figures reproduisant ces couleurs. Je ne fais qu’indiquer ici les principaux élémens d’un travail spécial sur cet objet, parce que la plupart de ces élémens, je les ai trouvés dans les salles souterraines d’lbsamboul.

Avant de dire adieu à ce lieu extraordinaire, je suis allé de bonne heure faire mes dernières dévotions aux gigantesques figures du grand temple. Comme j’arrivais à l’entrée, j’ai vu le soleil levant projeter, par cet étroit soupirail, un rayon horizontal dans le cœur de la montagne, atteindre le sanctuaire et éclairer un moment le front des statues mutilées qui siégent dans les ténèbres Cette rencontre inattendue m’a frappé ; il m’a semblé que je ne sais quoi de religieux s’accomplissait. Puis la réflexion m’a montré, dans ce hasard apparent, une combinaison de la pensée sacerdotale. Je me suis souvenu d’avoir lu dans les Oracles de Fontenelle que, selon Rufin, on avait pratiqué dans le temple de Sérapis une petite fenêtre par où entrait, à un certain jour, un rayon de soleil qui allait tomber sur la bouche du dieu.


Sur le Nil, avant la dernière cataracte.

Nous atteindrons aujourd’hui notre dernière station. Le vent nous traite bien, comme on traite bien des gens qui demain n’auront plus besoin de nos services. Il est agréable de marcher rapidement vers le terme du voyage, au moment où nous en sommes si proches. Faire lentement les derniers pas serait insupportable ; ce qui reste de chemin après lbsamboul est presque de trop, et a besoin d’être expédié rapidement pour ne pas ressembler tout-à-fait à un post-scriptum superflu.

Je jouis délicieusement pour la dernière fois du charme de la navigation à la voile. Ce charme va cesser bientôt la grande voile va être repliée, la petite voile réservée seule, et servir assez rarement. La rame va les remplacer, la rame qui fatigue, si on sent l’effort des