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tranquillement dans la citadelle en levant leurs contributions, et le cabinet de Vienne a déclaré que cette amende de 200,000 écus serait mise à la disposition du pape, sans que le gouvernement de la république romaine se soit autrement ému. Il y a division évidente dans les conseils des triumvirs : qu’est-ce qu’on fera passer en première ligne, ou de l’émancipation nationale, ou de la révolution républicaine ? Lequel vaut-il mieux, ou de marcher droit à l’ennemi, d’accord avec le Piémont, ou de ruiner d’abord la royauté piémontaise, pour n’avoir plus à commander que des républicains ? Cette perplexité des patriotes ne les aide pas à prendre des décisions vigoureuses, et les protestations des princes trouvent d’autant plus de crédit dans l’opinion publique, que leurs adversaires se décréditent plus eux-mêmes. Le duc de Toscane, en se réfugiant à San-Stephano, a publié des réserves solennelles contre la violence qu’il subissait. Les Autrichiens, de leur côté, rappellent le traité de Lunéville, qui a valu la Lorraine à la France, à condition que la Toscane passerait à la maison de Lorraine ; ils rappellent aussi le pacte intérieur de 1790, confirmé par les traités de 1815, et, d’après ces arrangemens, la Toscane doit revenir à la maison impériale d’Autriche, en cas d’extinction de la branche grand-ducale. Enfin, le pape Pie IX adresse à toutes les puissances une demande d’intervention contresignée par le cardinal Antonelli.

Il y a bien de l’irrésolution dans les conseils tenus à Gaëte, et ce n’est pas une médiocre responsabilité pour le souverain pontife, de provoquer ainsi les armes étrangères contre ses propres sujets ; il a du moins attendu les dernières extrémités avant d’en venir à ce recours suprême, et l’on peut penser que la majorité de la nation lui tiendra compte d’avoir voulu épuiser toutes les voies de salut avant d’embrasser celle-là. Il n’était pas, du reste fort aisé de mener à bout un acte aussi délicat ; toutes les habiletés diplomatiques et par conséquent toutes les méfiances sont en lutte auprès du pape exilé. Les projets se croisent, et avec les projets les rivalités. Il n’est pas, dit-on, jusqu’à la Russie qui n’ait offert à Gaëte des hommes et de l’argent. Le cabinet de Madrid, plus autorisé dans une rencontre comme celle-là, proposait une intervention des puissances catholiques. Fallait-il en charger exclusivement les états secondaires, ou bien la France et l’Autriche pourraient-elles marcher seules et d’ensemble, ou bien ne fallait-il pas plutôt une intervention purement italienne ? Le côté regrettable de cette exécution armée ne serait-il pas adouci, s’il n’entrait point d’étrangers de plus sur le sol national ? Les Piémontais et les Napolitains ne suffisaient-ils pas à cette œuvre de pacification ? C’était là le plan de M. Gioberti, et il avait un véritable mérite au point de vue de la politique aussi bien que du patriotisme. On sait comment tout ce plan a échoué devant la résistance qu’y ont opposée les collègues de M. Gioberti, quand ils ont aperçu combien il déplaisait à cette chambre démocratique sortie pourtant des œuvres de M. Gioberti lui-même. Ce plan, si excellent qu’il fût, n’était pas non plus très chaudement accueilli à Gaëte. La mobilité révolutionnaire introduite dans le gouvernement piémontais ne permettait pas à l’entourage du pape de se croire jamais assez édifié sur la solidité des intentions du cabinet de Turin. L’événement a donné raison à ces inquiétudes.

Il est probable qu’on aura eu plus de déférence pour les communications autrichiennes dont M. Schwarzenberg entretient le cabinet français dans sa seconde