Page:Revue des Deux Mondes - 1849 - tome 1.djvu/1013

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les Autrichiens gardent tout ce qu’ils possèdent au-delà des Alpes ; mais il y a des faits accomplis, des réalités brutales contre lesquelles se brisent toutes les imaginations Le roi Charles-Albert est entré en campagne dans l’intérêt commun de l’Italie ; l’Italie s’est abandonnée elle-même en l’abandonnant. Les Autrichiens ont repris en un clin d’œil le territoire qu’ils avaient perdu ; il est impossible qu’ils le cèdent aujourd’hui de bonne grace. Le Piémont sera-t-il plus heureux contre l’Autriche en 1849 qu’en 1848 ? Ce qu’il y a de sûr, c’est que les volontaires italiens, tout républicains qu’ils sont aujourd’hui, ne seront ni plus nombreux ni plus vaillans : les officiers abondent à Rome et à Florence, les soldats manquent ; officiers et soldats se promènent dans les rues ou s’étalent dans les cafés, au lieu d’aller à l’exercice. Voilà tout le secret de la fermeté avec laquelle l’Autriche maintient ses droits acquis.

La note adressée par M. de Schwarzenberg aux représentans autrichiens près les cours de Berlin et de Pétersbourg, en date du 17 janvier, renferme désormais les négociateurs de Bruxelles sur un terrain trop étroit pour qu’ils y puissent rien concerter. La base primitive de la médiation, telle que lord Palmerston l’avait posée dans le temps à M. de Hummelauer, la séparation de la Lombardie et de l’Autriche, est complètement écartée par le cabinet de Vienne. M. de Schwarzenberg n’admet pas que le baron de Wessenberg, son prédécesseur, même en acceptant la médiation à cause des circonstances, ait jamais entendu en accepter le point de départ. M. de Colloredo a formellement déclaré à Londres que l’Autriche ne reculerait pas d’une ligne au-delà de ses frontières de 1815, et ne voulait souffrir aucune intervention étrangère à propos du statut particulier qu’elle donnerait à ses sujets italiens. Le seul objet qu’elle reconnaisse à la médiation, c’est de débattre en commun les conditions de la paix entre elle et la Sardaigne. Il s’est d’ailleurs présenté, depuis l’armistice, de nouveaux griefs, qui prêtent encore à discussion entre les deux états. Les Piémontais reprochent au maréchal Radetzky d’avoir violé l’article 2 des conventions du 8 août en arrêtant le départ de l’artillerie sarde qui était restée à Peschiera, d’avoir violé l’article 5 en levant des contributions de guerre sur les familles les plus opulentes de la Lombardie. Les Autrichiens répondent que la protection assurée par cet article 5 ne s’étendait pas aux Milanais, mais seulement aux pays de Modène, de Parme et de Plaisance, et qu’ils se sont couverts des frais de la guerre en les imputant à ses promoteurs. Ils répondent encore qu’ils n’auraient point gardé les canons de Peschiera, si la flotte de l’amiral Albini fût rentrée dans les états sarde, comme le portait l’article 4 de l’armistice ; or, pas plus tard que le 23 janvier dernier, l’amiral débarquait à l’arsenal de Venise, ou, par parenthèse, il était fort mal reçu.

Ces difficultés de détail viendront-elles seulement à jour dans ce congrès de plus en plus hypothétique ? Il est permis d’en douter, lorsque la question austro-sarde se complique des passions et des intrigues qui remuent l’Italie tout entière. À l’expiration de l’armistice, le Piémont avait le choix entre deux politiques : la vieille politique de la maison de Savoie, plus habile, à coup sûr, que généreuse, mais avec laquelle cette maison a construit sa grandeur aux dépens de tous ses voisins, et la grandeur de la Sardaigne sera toujours la vraie force de l’Italie ; puis la politique chevaleresque, qui consiste à prendre fait et cause pour tout le monde, sans être sûr qu’on aura tout le monde derrière soi, la po-