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question ; car de croire que de principes essentiellement faux et mauvais il ne sortira point de désastreuse conséquence, se figurer que les doctrines erronées ou perverses peuvent jeter le désordre dans les intelligences sans amener les troubles civils dans les rues, porter le ravage dans les consciences sans mettre la guerre sociale dans nos cités, c’est une illusion qu’aujourd’hui il n’est plus permis d’entretenir. Saisir au premier coup de rappel son fusil de garde national, marcher résolûment au secours de l’ordre matériel menacé, ce n’est pas, à l’heure qu’il est, le seul devoir des bons citoyens. Il y a des attaques moins bruyantes, plus dangereuses que celles dont la force a raison ; contre elles, la victoire non plus ne s’obtient que par l’ensemble des manœuvres et par l’ardeur des combattans. C’est à cette guerre vraiment sainte que le comité central nous convie : la guerre du droit contre la violence, de la règle contre l’anarchie, de la civilisation contre la barbarie. Assez long-temps, dans cette mêlée trop confuse, les masses puissantes du grand parti national sont demeurées inertes, assez longtemps elles se sont livrées les unes les autres : désormais elles ne concourront plus à leur propre défaite par leurs déplorables jalousies ; elles marcheront unies et fermes contre les implacables détracteurs des règles éternelles qui régissent toute société humaine.

Si, dans ces jours difficiles où le découragement est si universel et l’énergie si rare, quelque chose peut faire courir un souffle de vie dans les artères de ce grand corps de la France, c’est à coup sûr ce cri d’alarme et de ralliement jeté aux quatre coins de son territoire par les chefs dont les voix lui sont connues. Attendons-nous cependant à voir travestir indignement les intentions du comité. Comment la puissante initiative qu’il a osé prendre si à propos n’exciterait-elle pas les colères de ceux dont elle dérange les projets ? Quoi ! les hommes du parti modéré ne vont plus, comme jadis, s’offrir divisés aux coups de leurs adversaires ! Quoi ! à la veille des élections, ils ont la prétention de s’entendre, de ne pas se laisser battre en détail et ruiner à petit bruit ! Permis aux révolutionnaires de toutes nuances, aux niveleurs de tous degrés, aux socialistes de toutes sectes de mettre fraternellement en oubli, quand besoin s’en fait sentir, leurs petites querelles de famille : à ces grandes ames et point à d’autres, il sied de pratiquer après boire le pardon des injures assez vertes qu’ils échangeaient naguère encore ! Combien il est touchant de les voir, Dieu et le vin aidant, oublier jusqu’aux coups mortels qu’ils se sont portés ! qu’il est beau de les entendre, eux, les terribles redresseurs de juin, exalter ceux qu’ils faisaient alors si impitoyablement mitrailler ! Rigueurs passées, tendresses présentes, tout n’est-il pas au profit de leur honneur, et pour le plus grand bien de la république ? Mais que des hommes anciennement séparés sur des questions de doctrines sans application actuelle, trop fatalement tenus à distance les uns des autres par des ombrages dont ils ont eux-