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deur, tout au moins la stabilité et le repos ; et nous-mêmes, avons-nous eu si fort à nous en plaindre ? Est-ce que la république ne nous a pas délivrés de l’invasion étrangère ? L’empire ne nous a-t-il pas donné quelque vraie et solide gloire ? De bonne foi, la royauté de 1815 et celle de 1830 ne nous ont-elles pas valu de longues années de paix, d’ordre véritable et de sérieuse liberté ? Et cependant l’empire a remplacé la république, et cependant l’empire et nos deux dynasties constitutionnelles ont disparu à leur tour. D’où leur chute est-elle venue ? Écoutez les docteurs en révolutions, interrogez les professeurs émérites de l’émeute, parcourez les livres qu’ils inspirent et les journaux chargés d’entretenir l’ardeur de leurs adeptes : à les en croire, tous ces gouvernemens seraient tombés sous le poids de leurs fautes devant la réprobation du pays indigné. Rien de plus faux. Non, le pays n’a point joué dans ces bouleversemens le rôle qu’on lui prête. Jamais, pour son honneur, le pays ne voudra se reconnaître lui-même dans ces comparses qui, tant de fois enrôlés depuis 92, sont venus, au grand ébahissement des honnêtes gens, donner sur nos places publiques la menteuse parade de leur fausse souveraineté. À vrai dire, quels furent, par exemple, au temps de nos dernières luttes avec l’Europe, les vrais représentans de l’honneur national ? Étaient-ce ces robustes campagnards embusqués derrière les haies de les champs tirant de si grand cœur leur dernier coup de fusil, cachant sous les décombres de leurs chaumières les blessés de nos armées, ou bien les habitans de la capitale si pressés d’ouvrir ses portes aux vainqueurs, et saluant de leurs acclamations l’entrée des étrangers dans leurs murs ? Quels furent, en 1830, les vrais interprètes de nos généreuses populations ? Étaient-ce ces bandes parisiennes débouchant des faubourgs pour hâter la fuite de la royale famille trop lente à quitter Rambouillet, ou bien ces paysans silencieux se découvrant avec respect, sinon avec douleur, devant le prince malheureux que ses fautes ramenaient une dernière fois à la terre d’exil ? En 1848, où s’est fait entendre la véritable voix du peuple ? Est-elle sortie des clameurs confuses de la foule ameutée, le 25 février, devant le perron de l’Hôtel-de-Ville, ou bien de cet immense scrutin de six millions de voix renvoyant comme un défi aux fondateurs consternés de la république le nom le moins républicain qui fut jamais ? Ayons la sincérité de le reconnaître et le courage de le dire : tous ces gouvernemens n’avaient point contre eux la majorité du pays. Ils étaient goûtés, acceptés ou tolérés par la grande majorité ; ils ont été renversés par une infime minorité. Ce n’est pas la force de l’attaque qui a causé leur chute, c’est la faiblesse de la défense.

Mais pourquoi, si ces institutions étaient bonnes, ont-elles été prises de si subite défaillance ? Si ces gouvernemens avaient tant d’adhérens, pourquoi, aux heures d’épreuves, un si fatal abandon d’eux-mêmes ? C’est ici qu’apparaît l’étendue du mal dont, malgré sa robuste appa-